Assez séduit par le singulier Toni Erdmann, j'étais curieux de mieux connaître cette réalisatrice allemande de "l'école de Berlin". Everyone Else est son film précédent, d'un tout autre ton. Maren Ade explore ici la difficulté à faire couple lorsque l'on a 30 ans en Allemagne. Elle interroge ainsi la notion de virilité - Gitti rit lorsque Chris lui demande si elle le trouve viril, elle se moque de lui lorsqu'il passe un bras autour de son épaule - et, de façon plus générale, la difficulté à définir sa place dans le couple aujourd'hui.
Dans une première partie, on voit évoluer les deux amoureux en vacances dans la maison de famille de Chris, en Sardaigne. Le couple est récent, entre 6 mois et 1 an de liaison, peut-on deviner. Complicité, sensualité, désir charnel, sont encore là. Mais déjà apparaissent des tensions : Getti reproche à Chris son indécision, son manque d'engagement, autant professionnel qu'amoureux. Chris est souvent agacé par Getti. Leurs désirs ne coïncident pas toujours : Chris ne veut pas sortir en boîte (yess, merci Chris, ça nous évite la "scène en boîte de nuit", ce cliché du cinéma contemporain), ni rencontrer un couple fortuné qui a invité Getti sur son yacht. Getti incite, souvent en vain, Chris à se lâcher davantage : accepter un projet de rénovation de maison, danser sur une musique vulgaire. Le film parvient à décrire avec subtilité cet entre-deux, entre passion amoureuse et malaise. Il montre bien que s'accorder n'est pas chose facile, en vacances, lorsqu'on est 24h/24 ensemble. Et que c'est moins simple aujourd'hui que par le passé, où les rôles entre hommes et femmes étaient plus clairement définis.
Chacun fait un effort, essaie de séduire l'autre en devenant "someone else", en forçant sa nature :
- la fantaisiste Getti, que l'on voit terroriser la nièce de Chris en début de film, s'efforce d'être davantage la femme aux réactions "normales" qu'espère Chris - elle joue aussi sur son apparence, tentant une nouvelle robe qui a priori ne lui plaît pas, un nouveau gloss...
- l'hésitant Chris, qui se perd, en conjectures mais aussi lorsqu'il guide Getti en rando, tente de s'affirmer davantage.
La rencontre d'un autre couple, celui de Hans, camarade d'étude de Chris, va c(h)ristalliser le versant sombre de leur relation. Hans est très sûr de lui... ce qui agace Getti qui, pourtant, reproche à Chris ses indécisions. Sana est une ravissante idiote, dominée par Hans.
Il y avait là matière à de beaux développements, mais le film s'avère un peu décevant, ne creusant guère les possibilités offertes par cette confrontation. On voit que Getti ne supporte pas d'être jetée dans la piscine comme Sana, au point de sauter par la fenêtre juste après. On comprend mal. Pas plus que la séquence finale
où elle lui déclare qu'elle ne l'aime plus - peu après avoir fait l'amour avec Chris sans préservatif. Un peu trop téléphoné, ai-je trouvé. Qu'il y ait des problèmes, le film le montre bien, mais qui débouchent soudain sur une issue aussi radicale ?
Mais, si j'ai plus de réserves sur ce film que sur Toni Erdmann, c'est aussi parce qu'il offre peu de scènes fortes. Toni Erdmann réalise en effet un équilibre entre étude psychologique de la vie ordinaire (comme ici) et moments paroxystiques (ce qui manque ici). Le cinéma de Maren Ade y perd en spécificité. D'autant que le filmage m'a semblé - comme pour Toni Erdmann - assez banal.
Intéressant donc, mais pas passionnant.
6,5