Faire un remake d’un classique présente, bien évidemment, un avantage commercial. Le seul nom d’Evil Dead suffit à attirer un public de fans, d’autant plus qu’en trente ans le film qui a ouvert la saga a acquis le statut d’oeuvre culte.
C’est là justement que se situe aussi l’écueil principal de ce type de projet. En s’attaquant à une oeuvre aussi renommée, le remake court le risque de braquer les fans du film de Sam Raimi, ne pouvant supporter l’hypothèse d’un Evil Dead sans Bruce Campbell (et ce, même si c’est Sam Raimi lui-même qui est à l’origine du projet, et qui en supervise la production).
D’où le dilemme, sans doute caractéristique du remake : faire la même chose, ou innover ?
Le film de Fede Alvarez présente d’emblée des différences notables avec le film original, à commencer par son budget, nettement plus conséquent, et cela se voit à l’image. Visuellement, le film est beaucoup plus soigné, avec une volonté manifeste d’esthétiser l’horreur. Ainsi, la pluie de sang qui entame la dernière partie du film donne des images d’une grande beauté.
Le premier choix important est celui d’adapter le film aux codes narratifs du film d’horreur des années 2010. Ainsi, Fede Alvarez décide de nous plonger dans l’horreur dès la scène d’ouverture, avec un prégénérique bien glauque et moralement violent. Ainsi, dès les premières secondes, le cinéaste montre de quoi il est capable, avant de nous plonger dans l’histoire principale.
On le comprend tout de suite : s’il y a bien une chose qui a disparu de ce remake, c’est l’humour. Si Sam Raimi avait, dès 1981, cette capacité à jouer avec les codes pour s’en moquer, mêlant l’horreur et sa parodie en un équilibre subtil, Alvarez, quant à lui, élimine d’emblée cette possibilité. Son Evil Dead va rester dans le sérieux, préférant miser habilement sur une généreuse surenchère horrifique et une très bonne capacité à implanter une ambiance.
Ainsi, dans la présentation des personnages, passage obligé que l’on souhaite tous voir abrégé le plus possible, la caméra parvient déjà à nous attraper, par quelques plans bien sentis, quelques cadrages tout sauf innocents, quelques jeux sur ce décor de bois en putréfaction et cette atmosphère si poisseuse qu’on a l’impression d’en sentir la pourriture depuis notre canapé.
Alors, certes, dans ce processus d’adaptation d’un film aux codes des années 2010, il n’y a pas que du bon. Les personnages sont clairement sacrifiés, et ce n’est sans aucun doute pas dans ce film que l’on trouvera un protagoniste capable de retenir l’attention comme l’avait fait Ash. Les personnages du remake de Fede Alvarez sont plats et communs.
Le cinéaste ne nous épargne pas non plus l’enjeu symboliquement psychologique du film. Le point de départ de l’action, c’est Mia qui veut arrêter la drogue et passera par une période brutale de sevrage. L’horreur apparaît donc comme une vision symbolique de ce parcours, passant même par la mort et la résurrection de Mia, changée définitivement en une jeune femme combative. il est possible de juger que ce propos vient inutilement alourdir le film sans être follement pertinent…
Finalement, Fede Alvarez parvient à maintenir un équilibre assez fin entre respect de l’oeuvre originale, clins d’oeils aux connaisseurs, et indépendance. Ainsi, si les personnages et les situations sont différentes, le remake reprend bien des éléments du film de Raimi. Quel fan n’a pas un petit sourire entendu en apercevant rapidement une tronçonneuse ? Qui n’a pas un petit frisson d’anticipation lorsque des personnages, en enlevant un tapis, découvrent une trappe dans le sol de la cabane ? Et l’horloge ? Et l’ampoule ?
Certains de ces éléments resteront à l’état de clins d’oeil, d’autres seront employés et trouveront un rôle effectif dans l’histoire. Cela commence, bien entendu, par le livre, qui ne se contente pas de lancer l’horreur mais en ponctue chaque épisode. Quant à la main arrachée, elle semblait faire partie des incontournables, et elle arrive bel et bien dans la dernière partie. Fede Alvarez parvient même à reprendre l’idée du “viol par une branche d’arbre”, sans que cela paraisse ridicule, ce qui n’est pas loin de l’exploit.
Quid de l’horreur, dans tout cela ? Là-dessus, le film est irréprochable. Une fois l’action lancée, le film ne réserve aucun temps mort, aucune horreur ne nous est épargnée. Les gros plans sont ravageurs, et l’idée de ne pas employer de CGI s’avère le coup de génie du film; L’hémoglobine coule à flot, et quelques scènes sont très marquantes.
En bref, en matière de remake, le Evil Dead de Fede Alvarez n’a pas à rougir, loin de là. Le film cherche à actualiser l’oeuvre de Sam Raimi et, s’il n’évite pas les lourdeurs et ne prend pas toujours suffisamment de recul face aux codes du cinéma de genre des années 2010, il reste d’une redoutable efficacité.
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