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Horreur et comédie, un mariage contre-nature ?

Regarder Evil Dead 2 est une expérience intéressante. Tout d’abord, le film commence par cinq minutes servant à récapituler le premier film, en prenant soin d’enlever tout le superflu : des cinq ados du premier film, on ne retrouve que Ash et sa copine Linda. Une fois le tout récapitulé, on peut enfin passer aux événements du deuxième. Et c’est là qu’une étrange impression commence à se développer...



Déjà-vu ?



Si on ne s’y attend pas, le visionnage d’Evil Dead 2 peut prêter à confusion, l’histoire étant à quelques détails près un copier-coller du premier film. Certes, l’univers y est un peu plus exploré, des nouveaux personnages sont introduits, mais même ceux-ci ne semblent être que des remplaçants pour les amis d’Ash et Linda qu’on avait rencontrés dans le premier opus. Pour le reste, on suit une trame en miroir du premier, où Ash se fait torturer par les esprits démoniaques pendant la première partie du film, et où ses compagnons (qui arrivent en milieu du film) se font posséder et tuer un par un dans la deuxième partie. On peut même aller plus loin, et relier pratiquement chaque scène du premier à sa soeur jumelle dans la suite !
Pourtant, même si le spectateur non averti pourra se retrouver avec une impression de bégaiement, Evil Dead 2 ne saurait être perçu comme une simple tentative de remettre au goût du jour un film qui n’avait pas eu les moyens qu’il méritait. Car le film fait un virage brusque dans le ton, et on se retrouve devant une comédie horrifique et non plus un film d’horreur. Plus encore, le film est réellement une version cartoon du premier, où un affrontement entre Ash et sa propre main possédée n’aurait pas détonné dans un épisode de Tom & Jerry (le gore en moins) et où le mobilier de la cabane prend soudainement vie pour rire au nez de notre héros. Ce revirement est des plus efficaces lorsqu’on se retrouve effectivement devant le film, et Bruce Campbell se révèle parfait dans ce rôle très burlesque, où le jeu physique prime.
La question naturelle qui vient alors à l’esprit est la suivante : doit-on rire ou avoir peur face à Evil Dead 2 ?



Les deux mon capitaine



Pour répondre à cette question, je vais tenter de m’appuyer sur un autre film de Sam Raimi sorti plus de 20 ans plus tard, Jusqu’en enfer (2009). On y suit les trois jours de tourmente démoniaque de Christine Brown, qui se fait maudire par une gitane après lui avoir refusé une extension de prêt. Jusqu’en enfer signe le retour de Sam Raimi dans le genre qui l’a fait connaître, le film d’horreur, et bien qu’à première vue sa facture plus classique le rapprocherait plus d’un Evil Dead que d’un Evil Dead 2, je pense au contraire qu’il tient plus du second, et joue même le rôle de complémentaire.
Evil Dead 2 utilise des codes formels de cartoon et de comédie burlesque, ce qui naturellement pousse le spectateur à rire devant certaines scènes. Toutefois, s’il utilise ces codes, les scènes qu’ils permettent de raconter sont des pures scènes d’épouvante. Ainsi, j’ai trouvé que ce rire était toujours un peu gêné, et qu’il cachait sa bonne dose d’horreur dedans : dans cette optique, l’utilisation du cartoon permet au spectateur de plonger tête la première dans la spirale de folie désespérée du héros. Voir sa petite amie décapitée sortir de terre et commencer à faire un ballet est burlesque, mais terrifiant à la fois. Assister à une danse d’Ash invité par une une lampe ayant pris vie semble à première vue amusant, mais le rire d’Ash a du mal à cacher le désespoir qui se trouve derrière, et toutes ces émotions sont transmises naturellement au spectateur par empathie avec le héros.
De l’autre côté du spectre, on retrouve Jusqu’en enfer, qui utilise avec parcimonie les effets gores et suit une trame plus classique de film d’horreur. Cette horreur est indéniablement efficace (c’est Sam Raimi après tout), mais on se retrouve à rire à plusieurs moments, et de façon beaucoup plus légère que dans Evil Dead 2. Car si ce dernier utilise des codes burlesque pour raconter de l’épouvante, Jusqu’en enfer lui prend le parti inverse : on assiste à des scènes de cartoon racontées comme des pures scènes de film d’horreur. On pourrait toutes les passer en revue, mais la plus parlante est sans conteste celle du cabanon au fond du jardin. Dans cette scène, Christine Brown cherche des objets à vendre au prêteur sur gages afin de payer pour un exorcisme. Elle se rend donc dans son cabanon pour y chercher diverses affaires, parmi lesquelles une paire de patins à glace. En tirant un rideau, la vieille gitane (qui est morte à ce moment du film) surgit de derrière et un affrontement se tient alors dans cette pièce exiguë. La gitane arrive à bloquer Christine contre le mur, qui se met alors à crier aussi fort qu’elle peut. La gitane enfonce son poing jusqu’au coude dans la gorge de Christine pour la faire taire (!), et on voit Christine, impuissante, chercher un moyen de se défaire de son emprise. Son oeil remarque alors une corde tendue près d’elle, qu’elle suit jusqu’à voir une enclume suspendue au plafond (!!). Utilisant le tranchant des patins à glace, elle tranche la corde (!!!), ce qui fait tomber l’enclume sur la tête de la gitane (!!!!), faisant sortir ses yeux de leurs orbites (!!!!). Décrit comme ça, le cartoon saute aux yeux, mais je vous jure que la première fois que j’ai vu le film, je n’avais même pas réalisé à quel point toute la situation était absurde, le résultat final étant raconté comme un film d’horreur (les yeux et des bouts de cerveau volent avec leur part d’hémoglobine). J’avais juste ri instinctivement devant cette scène.
Les deux films parviennent donc à susciter les deux émotions qu’ils cherchent faire ressentir au spectateur, le rire et l’horreur, à des niveaux différents. Evil Dead 2 utilise le rire pour provoquer l’horreur, et Jusqu’en enfer l’horreur pour provoquer le rire. Les deux valent largement le détour et sont des films cultes à bien des égards, mais comme la critique a débuté sur le premier, elle finira également sur celui-ci. Chef d’oeuvre du film d’horreur, il est indispensable à tous les fans du genre, mais attention : je pense qu’il est impératif d’avoir vu le premier pour bien profiter de celui-ci ! Et une fois Evil Dead 2 terminé, il faut se tourner vers le troisième opus, Army of Darkness : en effet, la dernière fois que nous voyons Ash, il est en bien mauvaise posture...

PhilCher
10
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le 11 mai 2020

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