On pensait avoir fait le tour de la petite cabane dans les bois dont Sam Raimi été parvenu à transcender le concept assez limité en la filmant sous tous les angles différents pour mieux la déformer. Fort de son premier succès, le jeune prodige se voit ouvrir les portes d’Hollywood pour réaliser une comédie intitulé Mort sur le Grill, bien que celle-ci fera un four assez cuisant suite à des différents artistiques et des remontages intempestifs. Bref on se disait que ça sentait le brûlé, surtout à l’annonce d’une suite à son désormais classique qui aurai pu se contenter de n’être qu’une pâle copie professionnelle, lisse et édulcoré de toute cette folie dévastatrice esquissé dans le premier volet. D’autant que Dino De Laurentis producteur exécutif souhaite que le film soit tourné à proximité de ses studios en Caroline du Nord afin de pouvoir surveiller de près les déboires éventuelles de son jeune poulain et de s’en faire le garde-fou. Les craintes étaient fondés, mais c’était sans compter sur l’ambition démesuré de son réalisateur désormais libéré des contraintes financières et qui va pousser tous les curseurs du mauvais goût jusqu’au bout et approfondir ses effets de mises en scènes hystériques et atmosphériques pour livrer ce qui est probablement encore aujourd’hui le meilleur film d’épouvante de tous les temps, rien de moins.
Plutôt que de reprendre là où Evil Dead s’était achevé, Sam Raimi réécrit l’histoire autour de la découverte du Nécronomicon et de l’intrigue initial pour relancer la partition à un rythme effréné en supprimant la plupart du casting précédent pour ne conserver que Ash Williams et sa copine Linda qui vont investir la cabane dans les bois et libérer des forces démoniaques après avoir écouté l’enregistrement maudit d’un magnétophone appartenant aux anciens occupants. Le mal se déchaîne alors prêt à absorber les âmes des nouveaux résidents. Linda sera la première à succomber, rapidement raccourcit de la tête, pelle en main par notre héros interprété par un Bruce Campbell au diapason, qui abandonne totalement son caractère chétif de jeune puceau pour incarner un véritable mec burné à la répartie groovy. Cela ne lui empêchera pas de passer la pire soirée de sa vie en compagnie de sa chère et tendre décatis qui reviendra ponctuellement le persécuter. La séquence a tout d’un cauchemar éveillé lorsque cette dernière sort de terre et se lance dans un ballet macabre en stop-motion avant une étreinte passionné où Ash devra se séparer de la tête de sa bien-aimée dans un étau avant de devoir combattre le reste de sa carcasse décharné. Le film est un cauchemar éveillé, rêve et réalité se confonde, le temps se distant, les nuits semblent durer une éternité, tout n’est qu’illusion et confusion autant dans la perception des événements que de l’environnement. Les délires et expérimentations ne se limite cette fois-ci d’aucune contraintes techniques, il y a pratiquement une idée par plan, aussi inconvenante et déjanté soit-elle, on pense au eye-popping and swallowing, l’attaque des lianes possédés, le regard ténébreux de la cabane, la transformation de Ash en Deadites et j’en passe… Evil Dead 2 ne donne jamais l’impression de faire dans la répétition, combien même il réemploi certaines trouvailles déjà employés comme la Shakky Cam dont le procédé est ici sublimé lors de plan-séquence virevoltant, envahissant l’intimité des survivants plus brutalement qu'auparavant. Une chose est sûr, c'est que les portes du chalet n’ont pas fini de claquer et ce n’est pas les quelques planches pourries qui les mettront à l’abri.
Non seulement cette suite parvient à supplanté son illustre aîné dans la démesure de son humour slapstick mais également dans ses débordements gores outrancier. En outre, le film bénéficie d’une dimension sonore exceptionnelle qui lui confère une ambiance carrément oppressante. Le mal contamine absolument tous les éléments de la vieille bicoque, de ses habitants jusqu’au mobilier qui se met à s’exprimer dans des rires sardonique baignant le récit dans l’hystérie communicative d’un cartoon Tex Avery. Ash tentera d’opposer une résistance homérique face à ce déferlement infernale de baffes, de coups et de cris des esprits déchaînés qui ne lui laisseront jamais de répit et le mèneront à se mutiler le poignée. Tant et si bien qu’il perdra ses derniers files de rationalités, au point de nous interroger sur la vraisemblance des séquences visionnés. Ash serait-il un tueur fou ayant massacré la famille Knowby et sa petite amie ou bien est-il réellement la victime de forces occultes ? Le moins que l’on puisse dire, c’est que Sam Raimi n’y va pas de main morte avec son principal interprète qu’il torture par pur plaisir sadique sur le plateau des heures durant sous une chaleur écrasante. Bruce Campbell effectue des cascades et acrobatie dangereuses digne d’un Buster Keaton, confectionne ses propres maquillages mêlé à de véritables plaies, s’éclate des assiettes en argile sur la tête avant de dévaler les escaliers les 4 fers en l’air. L’iconisation de son rôle, est peut-être dût à la passion du réalisateur pour les bandes dessinés, mais c’est surtout à grâce à son interprétation totalement décalé qu’il parvient à imprégner sa marque jusque dans les pages des livres d’histoire ainsi que du grimoire maudit.
A mi-parcours, une nouvelle galerie de victimes serviront d’âmes damnés après avoir sciemment enfermé le héros dans la cave avec la douce Henrietta qu'interprète Ted Raimi ; le frère de Sam ; qui devra quant à lui subir des heures de maquillages prothestétique au quotidien pour se métamorphoser en vieille sorcière boudinée à cou de girafe. Lui aussi souffrira de l'inconfort et de la chaleur sous ses épaisses couches de latex, entre les démangeaisons que cela peut provoquer ainsi que les litres de sueurs et de jus de chaussettes dont il fera profiter à toute l'assemblée. Il faut souffrir pour être beau, mais l'inverse est tout aussi vrai. La réussite du film tient d'ailleurs beaucoup aux maquillages et effets spéciaux de Mark Shotstrom et son équipe. S'il veut s'en tirer, Ash devra donc récupérer les pages manquantes du livre au péril de sa vie afin de renvoyer les démons de Kandar tout droit dans leur dimension. Tout cela converge vers une véritable tempête lovecraftienne où les arbres se mettent à démonter la maison, où l’innommable se manifeste enfin à l’écran, tandis qu’un tourbillon emporte littéralement le décor devenu trop étriqué pour tout le monde afin de concrétiser la prophétie esquissé dans le Necronomicon. Un twist scénaristique retentissant et assez inhabituelle pour ce type de divertissement, qui conjugue l’univers horrifique du film à celui de l’héroic fantasy. Le dénouement a tout d’une farce tragique et machiavélique de la part d’un auteur qui n’a pas fini d’en faire voir de toutes les couleurs à son principal acteur. Maudit sois-tu Sam !
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