Evilenko par Voracinéphile
Si, comme la plupart des biopics de psychopathes, les approches sont souvent racoleuses (car les psychopathes fascinent et font vendre), le film Evilenko joue plutôt la carte de la sobriété, puisqu’il ne filmera quasiment jamais les corps mutilés. C’est au personnage d’Evilenko que le film s’intéresse, filmant avec distance le parcours de ce professeur de littérature russe, qui tentant un jour d’abuser sexuellement d’une de ses élèves, se retrouve exclu de l’école où il enseigne, malgré ses vives protestations à l’encontre des enfants qui auraient monté une conspiration contre lui. Le psychopathe Evilenko semble venir de là : un professeur aigris voulant d’abord châtier les enfants qu’il juge indigne de vivre en société communiste (ses premières victimes sont des élèves). Car Evilenko est un fervent communiste, qui ne cache jamais son admiration pour le Parti (d'ailleurs, ce fréquent retour à ses convictions politiques établissent un lien marqué entre le régime stalinien sur le déclin et cette folie qui envahit le personnage). Et c’est cela qui va constamment retarder les enquêtes qui se reprocheront peu à peu de lui. En affichant à plusieurs moments clés son allégeance au parti communiste, il finit par être contacté par le KGB, qui lui demande d’effectuer des missions pour elle. En l’échange d’une protection contre les personnes dont il s’estime victime d’un complot. Plusieurs années se passent ainsi sans qu’il soit jamais inquiété (la police ne recueillant que peu d’indices), et que la liste des victimes s’allonge. Arrêtons là les spoilers, le reste de l’enquête est tout aussi intéressant, suivant les fausses pistes de la Police ainsi que le parcours d’Evilenko, qui parvient plusieurs fois à repousser les accusations à l’aide du contexte politique de la société où il évolue. Il sera tout aussi intéressant de le voir confronté à un psychanalyste homosexuel et pédophile, qui aidera la police pendant la traque. Les personnages dans Evilenko sont loin d’être manichéens, ce qui vient enrichir l’histoire de multiples pistes de réflexion. A ce titre, l’interprétation de Malcolm McDowell dans le rôle du psychopathe est tout simplement magnifique, parvenant parfois à concurrencer la fascination que pouvait susciter Hannibal Lecter. Marchant en contorsionnant les mains dans son dos, le personnage semblant vieux et inoffensif semble hypnotiser ses victimes, qui finissent toutes par le suivre jusqu’à des lieux isolés. Cette insistance sur le regard d’Evilenko, sur son magnétisme quasi surnaturelle, contre-balancé par une apparence physique des plus banales, est pour beaucoup dans la finesse du portrait du personnage, pour le coup vraiment effrayant et dénué de la moindre morale (la plupart de ses victimes étaient mineures). Le biopic est sobre, concis et très efficace, la fin évitant de se clore sur la mise à mort bête et méchante, mais sur une dernière image de la femme d’Evilenko (qui l’a toujours soutenu jusqu’à sa prétendue exécution), et sur la demande d’étude du psychopathe par des laboratoires allemands et américains, qui réclament Evilenko vivant en 1993 afin d'étudier sa maladie. Si on répète que ce film est une adaptation de Chikatilo, il reste troublant, mais indéniablement intéressant pour son approche sérieuse et réfléchie.