« Evilenko » est un thriller qui s'inspire de la vie d'un des serial killer les plus terrifiants connus : Andreï Chikatilo surnommé le boucher de Rostov, rebatisé Andreï Evilenko pour le film.
Le boucher de Rostov était un tueur pédophile qui violait et ensuite mangeait ses victimes. Il a sévi en Russie pendant plus de 12 ans avant que la police ne l'arrête, faisant pas moins de 55 victimes.
Si l'on suit une partie de l'enquête, le film s'attarde avant tout sur le tueur. Evilenko apparaît comme un homme banal. Il est marié, enseignant et membre fidèle du partie communiste. Un communisme qui flanche, causant une profonde frustration chez l'homme qui voit son idéal de société s'effondrer, entraînant chez lui un déferlement de pulsions meurtrières incontrôlables. Etant discrètement renvoyé de son travail, après avoir tenté de violer une élève, il est engagé par le KGB, pour ses idées très droites, et va trouver là la possibilité de voyager dans tout le pays, semant derrière lui une pluie de cadavres.
Evitant de tomber dans la facilité du gore (et il y avait de quoi faire de l'insoutenable vu les méthodes du vrai boucher de Rostov), le réalisateur joue sur le hors champ et la suggestion, favorisant une approche psychologique plutôt qu'une approche visuelle et sensationnelle. La réalisation, ainsi très sobre, colle au tempérament et à l'attitude calme et déterminée du tueur, interprété par un Malcom McDowell très convainquant.
L'autre partie du film montre la progression de l'enquête, Evilenko passant plusieurs fois de justesse entre les mailles du filet. On y découvre un système aux méthodes archaïques refusant des approches nouvelles (l'approche psychanalytique), un système qui renvoie encore une fois au communisme défaillant. Seul un jeune bureaucrate progressiste permettra à l'enquête d'évoluer, au mépris de sa propre carrière.
Une volonté de compréhension traverse le film, une envie comprendre le tueur, sa genèse, son mode de fonctionnement. Une idée incarné par le personnage du psychanalyste qui (à la manière de Laszlo Kreizler, l'aléniste de Caleb Carr) veut protéger le tueur et refuse de le livrer à la police, dans le but de l'étudier. Un besoin de comprendre l'indicible, pour mieux le prévenir.
Malgré des baisses de rythme, le film est une réussite. C'est une vision sombre, quasi documentaire, du parcours d'un tueur effrayant mais aussi pathétique, fascinant autant que repoussant.
Si les serial killers fascinent, par leur froideur, l'inhumanité avec laquelle ils tuent, ils terrifient surtout par leur humanité, ils nous renvoient les pulsions meurtrières cachées au fond de chacun de nous. Ils terrifient car ils peuvent être n'importe qui.