Déjà fini ? Si nombre de films pèchent par leur longueur, "Evolution" m'a semblé trop court ! Intéressant souvent, parfois passionnant, mais finalement inabouti. Comme au théâtre, le metteur en scène nous propose trois actes, centrés sur trois générations d'une famille, intitulés Eva, Léna et Jonas (la grand-mère, la fille, le petit-fils). Mais leur qualité inégale saute aux yeux et force ma réflexion.

Le film commence avec la libération du camp d'Auschwitz en janvier 1945. Des hommes s'affairent dans un bunker, qui s'avère être une chambre à gaz. Que cherchent-ils ? Leur acharnement de sourds-muets à récurer les murs dégage un surprenant maniérisme, qui à la longue m'agace (le thème des cheveux ressurgira avec le personnage de Yasmin). Heureusement les nettoyeurs font une merveilleuse découverte...

Le second acte se déroule dans l'appartement d'Eva à Budapest au début du XXIe siècle. Sa fille Léna vient la chercher pour un hommage aux Juifs survivants. Léna se lamente d'être écrasée par le fardeau du passé maternel. Et leur dialogue de sourdes, hantées par leurs souvenirs, déborde de manques irrépressibles et d'amour refoulé. Lili Monori (Eva) incarne avec une rare vérité une vieille femme à jamais dévastée par sa naissance au cœur des ténèbres. Mais le film ne se maintient pas au niveau de ce huis-clos.

L'intensité narrative diminue à Berlin, où Léna s'est installée avec son fils Jonas. Exaspéré d'être maltraité par des voisins antisémites, l'adolescent se rebelle contre un héritage psychique et social invivable. Il se grime en zombie sanguinolant, jette à la poubelle le plat juif cuisiné par sa mère pour une fête scolaire, tombe amoureux de Yasmin, d'origine turque...

Les répercutions d'un traumatisme sur plusieurs générations constituent un thème banal mais universel depuis la diffusion de la psychanalyse. Le réalisateur Kornél Mundruczó tente l'aventure en s'inspirant d'évènements de son entourage. Le scénario de Kata Wéber juxtapose trois sketchs inégaux, sans ligne directrice affirmée qui ordonnerait les trois parties en un véritable triptyque.

A mon avis, "Evolution" touche souvent juste, explore les galeries de nos cauchemars, arpente les vertiges infinis de la douleur. C'est remarquable. Mais il manque d'unité organique et d'harmonie. J'espérais que pour un tel sujet, les épisodes dramatiques d'une famille, secouée par les séismes de l'histoire, seraient transcendés par une vision d'ampleur en une fresque exemplaire.

lionelbonhouvrier
6

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste En BoNnE CoMpAgNiE (2017/2024)

Créée

le 27 mai 2022

Critique lue 149 fois

6 j'aime

5 commentaires

Critique lue 149 fois

6
5

D'autres avis sur Evolution

Evolution
Sergent_Pepper
7

Faux et mouvements

L’art est affaire d’expression : mener vers l’extérieur une émotion, qui souvent relève de la nécessité quant à sa formulation. Dans cette approche résolument cathartique, un certain nombre de sujets...

le 30 mai 2022

14 j'aime

Evolution
lionelbonhouvrier
6

La chaîne des traumas familiaux

Déjà fini ? Si nombre de films pèchent par leur longueur, "Evolution" m'a semblé trop court ! Intéressant souvent, parfois passionnant, mais finalement inabouti. Comme au théâtre, le metteur en scène...

le 27 mai 2022

6 j'aime

5

Evolution
Cinephile-doux
6

Les générations d'après

Il n'est pas simple de rendre compte d'Évolution, peut-être le film le plus ambitieux de Kornel Mundruczo, et encore plus difficile de prétendre l'aimer, tellement il est perclus de douleur, parfois...

le 9 nov. 2021

4 j'aime

Du même critique

Pensées
lionelbonhouvrier
10

En une langue limpide, un esprit tourmenté pousse Dieu et l'homme dans leurs retranchements

Lire BLAISE PASCAL, c'est goûter une pensée fulgurante, une pureté de langue, l'incandescence d'un style. La langue française, menée à des hauteurs incomparables, devient jouissive. "Quand on voit le...

le 10 nov. 2014

30 j'aime

3

Le Cantique des Cantiques
lionelbonhouvrier
9

Quand l'amour enchante le monde (IVe siècle av. J.-C. ?)

Sur ma couche, pendant la nuit, j’ai cherché celui que mon cœur aime ; je l’ai cherché et je ne l’ai point trouvé. Levons-nous, me suis-je dit, parcourons la ville ; les rues et les places, cherchons...

le 9 nov. 2014

23 j'aime

7

Les Communiants
lionelbonhouvrier
9

Le silence de Dieu

Pour qui n'est pas allergique aux questions religieuses et métaphysiques, "Lumière d'hiver" (titre français "Les Communiants") est passionnant. Bergman règle ses comptes avec son père, pasteur...

le 11 janv. 2019

20 j'aime

3