Rarement un film m'aura rendu aussi perplexe. En sortant de la séance, proposée dans le cadre du festival Les Utopiales de Nantes, je ressentais deux choses: d'abord, une forte déception, et ensuite, un sentiment de malaise qui a persisté au fond de mon crâne une bonne partie de la soirée. J'étais (et je reste) perplexe: certes, le film m'a déçu, je l'ai trouvé long, prétentieux, mal écrit et vide; pourtant il a su créer en moi une réaction qui était clairement celle qu'il cherchait à créer, ce qui indiquerait donc que, d'une certaine façon, il a rempli ses objectifs en dépit de ma bonne volonté et même de mon goût. Bizarre autant qu'étrange, comme dirait l'autre.
Evolution prend pour point de départ un jeune garçon prénommé Nicolas (qui, d'ailleurs, n'est pas sans rappeler Le petit Nicolas de Sempé et Goscinny: son association -constante, dans le film- avec la couleur rouge et son statut de protagoniste, sans parler du fait qu'il ait à peu près le même âge et soit le seul enfant non-blond du film, est probablement un gimmick, voire une grille de lecture), qui vit sur une île relativement tropicale avec d'autres enfants de son âge, sous la surveillance de femmes qui sont présentées comme leurs mères. Il n'y a pas d'école, pas de technologie en dehors d'une électricité réduite au minimum (un réchaud pour la nourriture, quelques ampoules électriques). Les journées se suivent et se ressemblent, rythmées par des jeux sans grand entrain à la plage, des repas toujours identiques (un brouet assez peu ragoûtant) et le "médicament" que chaque enfant prend avant d'aller se coucher.
Bon, je passe les détails, mais le film part assez rapidement en cacahuète: Nicolas découvre un enfant mort sous l'eau puis surprend une étrange cérémonie nocturne à laquelle se livrent les femmes, au cours de laquelle il se rend compte que ce ne sont pas vraiment des femmes (biologiquement parlant, ce ne sont d'ailleurs pas des humaines) et donc pas non plus leurs mères, les enfants se retrouvent tous à l'hôpital et on fait sur eux des tests qu'ils ne comprennent pas et qui ne semblent pas destinés à les guérir... Si on veut faire simple et caricatural, pour résumer le film en une phrase:
des sirènes/infirmières/poulpes élèvent des enfants humains et les fécondent artificiellement et de force avec des bébés sirènes/chelous/dégueulasses dans un but jamais expliqué (les sirènes sont-elles incapables d'accoucher? ont-elle perdu les mâles qui les fertilisaient?), ce qui finit par tuer les enfants sus-mentionnés sans pour autant que des bébés sirènes/chelous/dégueulasses ne naissent à chaque fois (en même temps, féconder un enfant mâle de 11 piges pendant quelques semaines et lui faire une césarienne ensuite, ce n'est pas franchement le meilleur moyen d'avoir un bébé vivant à l'arrivée), mais Nicolas finit par s'échapper grâce à une sirène/ infirmière/ poulpe rousse et un peu moins castratrice que les autres sur une barque sans moteur mais avec lanterne vers une fête foraine où, peut-être, l'attendent d'autres humains.
Il y a, je le concède, beaucoup de bien à dire sur ce film au niveau de la forme. La réalisation n'est pas mauvaise, le traitement de l'image très soigné, les couleurs magnifiques, les décors bien choisis. Le rythme est un peu lent, mais en d'autres circonstances (et si ç'avait été le seul défaut du film) cela n'aurait pas posé problème. Cependant, comme je le disais, c'est long, trop lent, inutilement ampoulé, et surtout c'est vide. De là vient ma déception: ce film au point de départ si intrigant et intéressant brasse de l'air assez vite, et surtout, en voulant rester mystérieux, ne donne pas assez de biscuit au spectateur pour qu'il puisse même essayer d'interpréter les motivations des personnages. Pour résumer: Evolution est un film beau, avec des belles scènes, qui pèche "seulement" parce qu'il a un synopsis mais pas d'histoire. Mais ça suffit à tout gâcher.