Après un silence de près de dix années, Lucile Hadzihalilovic revient au long-métrage avec l’énigmatique Evolution, une tentative louable de renouveau dans un paysage français quelque peu frileux à l’encontre du cinéma de genre. Décors dépouillés, dialogues économes et interprétation uniformément atone : le film donne d’emblée la couleur, construisant par petites touches, à son rythme, un univers singulier. Dans un village de littoral coupé du monde, des mères s’occupent de leur unique enfant, au gré d’un mode de vie austère (une table et un lit en guise de chambre), quand il n’est pas troublant (un obscur médicament à prendre à heure fixe, une mère qui surveille son fils pendant qu’il mange). Bénéficiant d’un cadre naturel remarquable, le récit se tient remarquablement sur son premier tiers, instaurant une atmosphère des plus inquiétantes au fil de plans d’une beauté plastique parfois indéniable (les femmes rejoignant la plage au milieu de la nuit, à la lueur de quelques lanternes). La suite pourtant, en troquant le village de bord de mer pour les salles glauques d’un étrange hôpital, évacue par la même occasion l’attrait du conte pour basculer dans un récit viscéral qui atteint rapidement ses limites.
Le cœur d’Evolution s’enroule autour de peurs archaïques liées à l’enfance, comme celles de la profondeur ou de l’organique (qu’y a-t-il sous la surface de la mer ? qu’y a-t-il dans le corps humain ?). La violence, froide, calme, épurée avant de progressivement verser dans le sordide, y trouve un écrin de choix, d’autant plus efficace qu’elle n’est motivée par aucune cause explicite. Le film de Lucile Hadzihalilovic plonge son spectateur dans un monde clos, organisé et terrifiant, dont le sens – bien qu’existant – n’est jamais livré. En cela, toute explication fumeuse, toute psychologie de bazar, sont exclues. Là où la cinéaste néanmoins se fourvoie, c’est dans sa démarche globale. Selon ses propres dires, Evolution serait un film sur l’enfance et ses mutations nécessaires pour atteindre l’âge adulte. Or, au fil de ce récit angoissant tardivement mâtiné d’une romance peu crédible, il manque cruellement d’un regard et d’une sensibilité aptes à déboucher sur autre chose qu’un exercice de style. Quelques trouées poétiques persistent (dont un long et insolite baiser sous-marin), mais c’est trop peu à l’échelle d’un ensemble froidement conceptuel, dont le mystère même finit par paraître tellement fabriqué qu’il en perd tout potentiel de fascination. Dans sa tentative de restriction narrative, Lucile Hadzihalilovic en oublie ses personnages, et Evolution tendrait à prouver que le moins ne s’accompagne pas toujours du mieux.