Adapté d'un roman de l'auteur à scandale Herman Brusselmans (sorte de Chuck Palahniuk flamand), Ex Drummer raconte l'expérience d'un auteur à succès (Dries), ex-batteur, qui accepte de rejoindre un groupe punk totalement destroy, dans lequel chacun a un handicap : cheveu sur la langue pour le chanteur, guitariste à moitié sourd, bassiste avec un bras à moitié mort. Dries le fait autant pour s'amuser (toujours avec un point de vue dominant sur les situations, l'auteur se faisant volontiers dieu manipulateur et moqueur) que pour nourrir un éventuel futur roman.

Suivant les déboires de ce groupe de mauvaise fortune, le film est profondément transgressif, vulgaire, violent, politiquement (très très) incorrect, grotesque (au sens premier du terme, dans la plus profonde tradition flamande). Les dialogues sont également incroyablement violents, d'une franchise sans complaisance pour la misère sociale et psychologique, sans compter les nombreux propos racistes, homophobes, misogynes (le groupe formé s'appelle très ironiquement The Feminists, « parce que quatre handicapés valent bien quatre femmes »), ou encore les révélations de fantasmes craspecs qu'on aurait préféré ne pas connaître. En plus, pour quelqu'un de non-habitué à la langue flamande, l'impression de dureté des mots et de plaisir guttural dans l'enchainement des insultes rend la chose attrayante autant que repoussante.

Ex Drummer est le genre de film avec tellement d'éléments extrêmes – pas seulement d'un point de vue visuel (film en marche arrière, personnage marchant au plafond, scènes de sexe non simulées, etc.) – qu'il serait facile d'être distrait par eux, mais le réalisateur Koen Mortier est assez intelligent pour enraciner toutes les étrangetés du film profondément dans ses personnages. Plutôt que de se complaire dans ces extrêmes, Ex Drummer traite de manière brutale des signes d'une société et de personnes à la dérive, handicapés, exprimant le grand malaise spirituel d'un sick sad world sans morale, la perte totale d'espoir... No Future.

Le lien peut souvent être fait avec Trainspotting, mais le film est plus proche dans l'esprit et la forme des films de Gaspar Noé ou des premiers Gregg Araki (surtout de The Doom Generation), sans oublier bien sûr la filiation naturelle avec le chef-d'œuvre du cinéma belge : C'est arrivé près de chez vous.

La bande-son du film est un concentré du meilleur de la scène rock belge actuelle, de Ghinzu à Millionnaire en passant par le chanteur Arno, qui apparaît d'ailleurs dans le film. Mais on y entend aussi des perles du son underground contemporain, du post-rock de Mogwai au noise expérimental de Lightning Bolt, jusqu'au metal très avant-gardiste d'Isis. Concernant notre groupe de bras cassés personnages du film, le seul et unique morceau qu'ils ont l'ambition de jouer est une reprise de « Mongoloid », de Devo. Tout un programme...

Si le film est ainsi placé sous l'auspice de Devo, ce n'est sans doute pas un hasard. Ce groupe de post-punk américain, sorte de cousin éloigné des Residents à l'univers visuel surréaliste, possède une forte tendance à la satire. Le nom de leur groupe vient d'ailleurs de « de-evolution », concept traduisant l'idée que notre société serait plus dans une période de « dévolution » que de progrès, allant vers toujours plus de bêtise humaine et d'absurdité sociale.

Ex Drummer est un film profondément punk, donc, un OFNI dérangeant et violent, tant dans la forme que dans le fond, mais qui finit, au delà de toute attente, malgré son côté rentre-dedans, par émouvoir profondément et par chambouler notre rapport à la misère, à la décadence, à la prétention, au désespoir, au nihilisme, à la haine, à la moquerie, au voyeurisme, aux plaisirs malsains... Un film essentiel, en somme, si tant est qu'on puisse le supporter.

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le 7 mars 2012

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youli

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