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Ex_machina a tout d'un grand. Malgré une thématique presque rédhibitoire tellement elle a été vue et revue ces dernières années, j'ai été enchanté par la manière dont Alex Garland tire son épingle du jeu. Tout en surfant sur les codes d'un genre aujourd'hui extrêmement balisé, presque galvaudé, il en impose surtout par la retenue, les clins d'oeils discrets et l'humour insufflé dans sa réalisation. Tout au long du film, on apprécie cet humour de plus en plus grinçant et son regard à la fois tendre et inquiet sur ses contemporains.


Tout d'abord (et comme prévu) on tombe rapidement dans la symbolique biblique, (7 jours, le nom de L'IA, rapport du créateur avec le divin...) de ce côté, on sent le balisage et j'avoue avoir serrer les fesses car je ne suis pas fan de ces gros poncifs.
Cependant Alex Garland impose un découpage bienvenu dans sa mise en scène. Sept jours, sept étapes, une fin certes prévisible mais grinçante, et surtout une jolie montée en puissance de l'intrigue.
Donc à moins d'être particulièrement inculte, sautons dans le plat, on y voit d'entrée la sortie annoncée d'Eve (Ava ici) de son Jardin d'Eden, et son conparse Caleb fait ici un bon candidat potentiel pour lui chatouiller la pomme. (Et vu la pépette, ma foi... Hum, mais je m'égare) En revanche on constate que cette sortie se mérite. Notre Eve est ici évidemment étudiée sous toutes les couture, encore une foi avec une étape par jour, et sous la coupe d'un créateur omnipotent et de son invité surprise, Caleb.
Caleb est au final un personnage intéressant. Naïf, profondément humain, il se retrouve coincé dans une mécanique qu'il ne maîtrise pas, et tente autant de comprendre Ava que le mystère qui gravite autour d'elle. Car il découvre bien vite un jeu malsain entre le créateur et son IA, et met à jour une réelle volonté de nuire.
Sept jours, sept étapes. Mais on ne tombera jamais dans une théorie du complot bas de gamme ni dans une SF de base non plus. Il y a de la finesse je vous dit.
Ce qui m'a frappé durant ces différentes phases, c'est le spectre particulièrement large du scénario, qui touche à tout sans pourtant être laconique ou pédant, mais au contraire; poursuit méticuleusement sa montée en puissance. Vous aurez donc une intrigue machiavélique et un jeu d'acteurs tout en retenue.
Classe.
Parce que c'est justement ce que j'adore. Ce scénario est fouillé, dérangeant et même caustique grâce aux remarques sucrées / salées du personnage de Nathan. Le mélange des genres est très agréable.
Par ailleurs grâce à ce triptyque, on sort de la simple relation créateur / créature, qui alourdit souvent ce genre de film. (La preuve avec la plupart des adaptations du sublime "Frankenstein ou le mythe du Prométhée moderne" de Mary Shelley, dont la plupart pédalent dans la semoule)
Ce simple fait permet également d'axer la narration sur le personnage de Caleb, digne représentant de l'humanité dans ce trio symbolique, et d'insuffler un dialogue bienvenu entre toutes les parties. La création qui se veut angélique au commencement (Ava) va donc subir les outrages du créateur (Nathan) et glisser lentement vers le fruit défendu et son éviction, mais avec un cynisme cinglant.
Le créateur (Nathan) va toujours pousser au crime en suggérant l'inconcevable (sexe, inceste, désintéressement et même la destruction d'Ava) et donc pousser Caleb vers sa propre perte. On est encore dans la symbolique, le côté malsain en bonus, car le personnage de Caleb reste volontairement dans le flou et ses motivations sont plus complexes qu'on pourrait le penser au départ, évoluant même au fil de quelques twists bien sentis.
Sans spoiler, je dirais que la fin, même archi prévisible, offrira au demeurant un regard intéressant sur notre capacité à nous replier sur nous même. Notre humanité régresse, et le clin d'oeil fréquent aux Réseaux Sociaux est placé comme source de cette déchéance.
J'ai justement trouvé cette idée d'autant plus percutante qu'elle est réaliste: google, facebook, tweeter, instagram, etc, sont autant de sources de divertissements qui tirent l'information vers le bas, et souvent au niveau de la ceinture.
Nathan, en tant que fondateur de Greenbook dans le film, (difficile de faire pus voyant) utilise ses bases de données pour concentrer la sources de nos préoccupations dans une machine. Ces préoccupations futiles, violentes, égocentriques ou profondes, font de nous les jouets involontaires de notre régression, mais surtout font froid dans le dos si on considère qu'une IA, froide et implacable, puisse comprendre et surtout utiliser ces préoccupations contre nous.
Bien que le thème soit là encore éculé, (I Robot, terminator, pour ne faire que les plus voyants) le parallèle est d'autant plus inquiétant si l'on considère la force de frappe d'un géant comme Google et surtout son appétit vorace pour les biotechnologies. (Calcio)
Même si tout cela tient pour le moment du fantasme de Science-Fiction, Alex Garland pointe cependant un risque potentiel avec un joli pont technique sur la fin du film. (La caméra inversée et le jeu des ombres avec Ava, symbolique du crépuscule de l'humanité ?)
Bref, l'aspect symbolique omniprésent dans le film offre une jolie réflexion avec en prime une intrigue passionnante et particulièrement malsaine quand on y réfléchi.
Bien sur, cette réflexion a elle aussi été largement étayée auparavant (Philip K. Dick avec son détonnant "Les Androïdes rêvent-ils de Moutons Électriques?") et le thème de l'humanité déclinante est devenu banal dans ce cadre. Mais il n'empêche qu'Alex Garland traite son sujet avec maîtrise et finesse, c'est tout ce qui m'importe, et c'est surtout ce qui me touche.
Je passerai donc rapidement sur la précision chirurgicale de la photographie, et de l'ambiance excellente. Cet aspect bien que très réussi à mon goût ne constitue pas le principal et s'efface avec diligence pour servir le propos presque métaphysique d'Ex_Machina.


Bref, j'ai adoré ce film. Là où la plupart se sont cassé les dents, Alex Garland tire le propos et surtout son film vers le haut malgré un balisage visible de l'espace, et je salue la prouesse. J'ai donc apprécié autant le divertissement que la réflexion, Ex_Machina se veut fédérateur.
Je vous invite donc vraiment à voir ce film et à faire la part des choses. Les amateurs de films de genre y trouveront un très bon film, tout comme les spectateurs à la recherche d'un bon divertissement.
Bonne séance !

amjj88
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le 2 févr. 2015

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amjj88

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