Un thriller psychologique classe et intelligent

Il a commencé sa carrière en tant que romancier. Cela l’a conduit dans le milieu cinématographique en collaborant sur l’écriture de deux longs-métrages du réalisateur Danny Boyle (28 jours plus tard et Sunshine), après que celui-ci ait adapté son premier roman (La Plage); et sur d’autres projets (Never Let Me Go et Dredd). Il a poursuivi dans le domaine des jeux vidéo (Enslaved : Odyssey to the West et DmC : Devil May Cry). L’année 2015 fut donc un tournant pour Alex Garland, étant donné que le bonhomme s’est lancé dans la réalisation avec Ex Machina, un film qu’il a fait, produit et écrit. Une œuvre qui est plutôt restée dans les mémoires pour avoir eu de bonnes critiques mais aussi deux nominations aux Oscars pour de bonnes catégories (Meilleur scénario original et Meilleurs effets visuels – il a d’ailleurs remporté ce prix-là). Retour donc sur l’un des long-métrages les plus marquants de l’année dernière, malheureusement riche en suites et blockbusters hollywoodiens à tout-va.


Mais d’abord, une grande question se pose, même si l’on a vu les bandes-annonces, affiches et autre synopsis : qu’est-ce qu’exactement Ex Machina ? Le plus vaguement possible, nous répondrons qu’il s’agit d’un film de science-fiction traitant de l’intelligence artificielle. C’est donc avec une certaine idée du projet que l’on se plonge dans son visionnage… pour se retrouver face à une œuvre qui diffère totalement de nos a priori. Certes, l’intelligence artificielle est au centre de l’histoire, mais elle n’est jamais renouvelée (sauf peut-être sur la sexualité) et ne sert finalement que de prétexte à l’insertion de multiples autres thématiques, pour le coup juste effleurées (comme le rapport dominant/dominée). À la fin, cela peut donner un scénario un chouïa incomplet qui risque d’en frustrer plus d’un. Mais là n’est pas l’ambition principale d’Ex Machina. Et pour cause, à y regarder de plus près, plutôt que d’être une nouvelle plaidoirie/critique de l’intelligence artificielle, le film d’Alex Garland n’est rien d’autre qu’un thriller psychologique de très grande tenue.


Car la thématique principale d’Ex Machina est sans aucun doute les faux-semblants. En présentant plusieurs pistes question sujets d’écriture, Alex Garland tente d’intéresser le spectateur pour ce qu’il a à lui présenter pour mieux le surprendre par quelques retournements de situations. Et il réussit cela haut la main ! Il y parvient notamment en se penchant tout particulièrement à ses personnages, dont il dresse un portrait respectif au fur et à mesure que le film se déroule. Un fait qui sert grandement le récit, étant donné que cela permet de jouer avec nous le plus possible pour mieux nous étonner. Ainsi, vous vous attacherez à un personnage alors qu’il se révèle être finalement calculateur et froid. Ou encore vous vous inquiéterez pour un autre alors que finalement, il n’y a aucune raison de le faire si ce n’est être paranoïaque. Bref, Ex Machina attire grandement notre attention pour sa grande intelligence, le travail d’écriture effectué sur ses personnages et le contenu (parfois trop) riche de son intrigue. Et n’oublions pas un sublime casting, dominé par un trio de tête tout bonnement impressionnant (Domhnall Gleeson, Oscar Isaac et l’excellente Alicia Vikander) !


Mais le film ne serait rien sans son esthétisme. Pour cause, avec sa surdose de thématiques, Ex Machina aurait pu être un long-métrage tape-à-l’œil, prétentieux et présomptueux. Il n’en est heureusement rien, Alex Garland ayant préféré offrir à son œuvre une ambiance sobre mais diablement efficace et classe au possible. Et cela via l’utilisation de décors géométriques et naturels servant à merveille l’histoire et ses propos, des jeux de lumières évocateurs et très artistiques, des effets spéciaux de bonne qualité (l’allure mécanique d’Ava) au vu d’un petit budget (11 millions de dollars) et la musique du duo Geoff Barrow/Ben Salisbury. On obtient ainsi un long-métrage à l’atmosphère à la fois hypnotique et inquiétante, ainsi qu’au visuel grandement maîtrisé. Un véritable délice !


Loin d’être une œuvre qui saura réinventer la science-fiction comme on aurait pu s’y attendre dans un premier temps, Ex Machina met sur un piédestal les talents de réalisateur d’Alex Garland tout en se présentant tel un film intelligent qui saura faire réfléchir et divertir. Pas étonnant qu’il ait été remarqué en cette année 2015, durant laquelle le public n’a eu d’yeux que pour des produits hollywoodiens qui ne faisaient que s’enliser dans les suites (Fast & Furious 7, Jurassic World et consorts), les spin-offs (Les Minions) ou encore les adaptations purement commerciales (Cinquante nuances de Grey). Autant dire qu’un film comme Ex Machina, au beau milieu de cette pompe à fric des studios américains, cela fait un bien fou !

Créée

le 13 mai 2016

Critique lue 500 fois

7 j'aime

Critique lue 500 fois

7

D'autres avis sur Ex Machina

Ex Machina
Morrinson
7

Non, les androïdes ne rêvent plus de moutons électriques

Ex Machina correspond à l'idée que je me fais d'un film simple, malin, et (surtout) réussi. Les ingrédients sont élémentaires : une idée originale, en phase avec son époque et exploitée habilement du...

le 9 mars 2015

103 j'aime

24

Ex Machina
amjj88
9

Mon coup de coeur Festival

Ex_machina a tout d'un grand. Malgré une thématique presque rédhibitoire tellement elle a été vue et revue ces dernières années, j'ai été enchanté par la manière dont Alex Garland tire son épingle du...

le 2 févr. 2015

92 j'aime

18

Ex Machina
EvyNadler
8

Real robots

Mais que vaut ce Ex Machina réalisé par l'une des nouvelles pointures de la science-fiction, à savoir le bouillonnant d'idées Alex Garland (scénariste sur 28 jours plus tard, Sunshine, Never let me...

le 26 juin 2015

55 j'aime

3

Du même critique

Batman v Superman : L'Aube de la Justice
sebastiendecocq
8

Un coup dans l'eau pour la future Justice League

L’un des films (si ce n’est pas LE film) les plus attendus de l’année. Le blockbuster autour duquel il y a eu depuis plusieurs mois un engouement si énormissime que l’on n’arrêtait pas d’en entendre...

le 28 mars 2016

33 j'aime

1

Passengers
sebastiendecocq
5

Une rafraîchissante romance spatiale qui part à la dérive

Pour son premier long-métrage en langue anglophone (Imitation Game), Morten Tyldum était entré par la grande porte. Et pour cause, le cinéaste norvégien a su se faire remarquer par les studios...

le 29 déc. 2016

29 j'aime

La Fille du train
sebastiendecocq
4

Un sous-Gone Girl, faiblard et tape-à-l'oeil

L’adaptation du best-seller de Paula Hawkins, La fille du train, joue de malchance. En effet, le film sort en même temps qu’Inferno (à quelques jours d’intervalles), un « Da Vinci Code 3 » qui attire...

le 28 oct. 2016

28 j'aime

4