Malgré une thématique déjà maintes fois exploitée au cinéma, avec des résultats divers, Ex Machina se révèle particulièrement abouti et captivant. Alex Garland réussit en effet le pari fou de rendre son récit extrêmement intéressant, tout en l’inscrivant pourtant dans un canevas complètement balisé. Le film surfe ainsi sur les nombreux codes du genre, en parvenant toutefois à tirer son épingle du jeu. En résumé, on est en terrain connu tout en ayant l’impression de n’avoir jamais vu ça auparavant. Et c’est d’autant plus remarquable que le réalisateur, et scénariste, joue en plus la carte de la retenue, préférant développer les enjeux psychologiques de l’histoire plutôt que de s’abandonner à de l’esbroufe visuelle et de l’action à gogo. Un choix qui risque certainement de laisser sur le carreau tous les spectateurs ne jurant que par les blockbusters spectaculaires mais qui s’avère un vrai régal pour tous ceux désirant s’impliquer dans un récit tendre, cynique, drôle et grinçant. Sans avoir l’air d’y toucher, le scénario aborde effectivement énormément de sujets et les développe suffisamment que pour nous inciter à s’interroger. L’intrigue est machiavélique et observe une véritable montée en puissance, chaque nouvelle rencontre avec le robot suscitant autant l’intérêt que le malaise. Quant aux dialogues, ils sont particulièrement efficaces et se révèlent aussi caustiques que dérangeants.
A vrai dire, le seul point du script qui m’a un peu dérangé concerne les nombreuses connotations bibliques de l’histoire (Ava, 7 jours, créateur…). Je pense qu’il n’y avait pas forcément besoin de verser là-dedans, même si cela reste tout de même suffisamment discret que pour ne pas prendre le dessus. Le dernier acte m’a peut-être aussi semblé expéditif et malvenu, bien qu’il s’avère parfaitement cohérent par rapport au regard inquiétant que le réalisateur porte sur ses contemporains. En parlant du réalisateur, sa mise en scène tout en élégance et subtilité confère au long-métrage une beauté angoissante qui colle magnifiquement au sujet traité. Pas mal de choses passent par sa réalisation, et le pouvoir évocateur de la dernière scène en est l’exemple parfait. Enfin, le film ne serait assurément pas ce qu’il est sans la prestation exemplaire des trois comédiens. Oscar Isaac déborde de charisme dans la peau du génie complètement cinglé, Domhnall Gleeson est terriblement attachant en employé transi, tandis qu’Alicia Vikander désarçonne littéralement en femme robotique aussi mignonne qu’effrayante. L’équilibre que les trois personnages apportent au récit est admirable et contribue en grande partie à la réflexion qu’il suscite. Signalons enfin pour terminer que la composition musicale de Geoff Barrow et Benjamin Salisbury renforce de belle façon l’ambiance hypnotique et angoissante de l’histoire.
Pour conclure, Ex Machina s’impose donc comme un film de science-fiction subtil et élégant. Malgré un sujet vu et revu, le long-métrage propose tellement de fraîcheur et de nouveauté que le résultat en devient fascinant. Porté par trois acteurs de talent, le film s’avère à la fois divertissant, tendre, dérangeant et cynique. Pour un premier passage derrière la caméra, Alex Garland signe un gros coup !
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