Tout est dans le titre de la critique.
"Ex Machina" n'a pas la prétention de révolutionner la thématique de l'Intelligence Artificielle, et n'en a pas non plus l'envie.
Donc, pas question de foutre une claque à Asimov, Tezuka, Kubrick, ou autre Spielberg, ici. Et dès que les protagonistes commencent à interagir, on sait que le sel va résider dans ce jeu de huit-clos oppressant, et dans les révélations progressives.
Pour le synopsis (y a Wikipédia pour ça, bande de fainéants) : Un jeune employé d'une gigantesque boîte informatique (l'équivalent de « Google ») a été sélectionné pour passer plusieurs jours dans la luxueuse villa (perdue dans les montagnes) du PDG prodige.
L'employé est campé par Domhnall Gleeson (« Harry Potter », « Star Wars VII », « The Revenant ») alors que le PDG est joué par (le grand, le seul, l'unique <3) Oscar Isaac (« Inside Llewyn Davis », « Drive », « Sucker Punch », …).
Ce dernier révèle au jeune homme qu'il a mis au point du Intelligence Artificielle (IA pour les intimes) féminine, et qu'il a besoin de lui pour la tester et s'assurer de sa « perfection ».
S'en suit un huit-clos assez passionnant.
Alors déjà, c'est beau. Très beau. Peut être un peu trop.
Pour son premier film, le réal a voulu donner dans l'ambiance minimaliste, léchée, et classieuse. Chaque plan est étudié, les angles de caméra varient de manière intéressante, mais on a ce léger sentiment de « trop propre ». C'est vraiment minime et ne nuit absolument pas au visionnage. En plus, le réal développera sans doute un univers plus personnel par la suite.
Le vrai premier bon point, c'est l'immersion totale. Ça tient en premier lieu au jeu des deux principaux acteurs, excellents en tous points. Gleeson est très naturel dans ses réactions face à un Oscar Isaac complètement schizophrène dans son mode de vie, sportif le jour, alcoolique la nuit.
Mais ça tient aussi aux dialogues extrêmement bien écrits. Du début à la fin, on s'identifie au personnage de Gleeson parce qu'on y croit. Les discussions des deux hommes changent du tout au tout selon l'humeur des protagonistes, comme dans la réalité. Ils peuvent parler de travail, de sport, de sexe dans la même scène le plus naturellement du monde.
Le personnage du robot n'est pas en reste. Aussi belle que glaçante, aussi effrayante que charmante, elle touche le spectateur sans aucun pathos inutile. Alicia Vikander, que je ne connaissais absolument pas avant de voir ce film, m'a très agréablement surpris.
La tension monte crescendo, les tests sont de plus en plus éprouvants pour le jeune homme qui est tiraillé par des sentiments contradictoires. Qui doit-il croire ?
Sa « descente aux enfers » est extrêmement bien orchestrée (la fameuse scène de coupure au rasoir marquant l'apogée de cet épuisement psychologique et émotionnel).
Le spectateur est totalement investi dans la relation ambiguë entre l'homme et la machine, fasciné et intrigué par le personnage d'Oscar Isaac, sorte de « bon pote manipulateur ».
Si certains twists sont assez prévisibles, je ne m'attendais, pour ma part, absolument pas au twist final qui m'a laissé mal à l'aise pendant quelques heures après le visionnage.
Ah, et puis il y a la BO. Toute en retenue durant la majorité du film, elle explose littéralement avec le long titre « The test worked » que vous aurez sans doute envie d'écouter plusieurs fois après avoir vu le film.
J'ai aussi omis de parler des changements de couleurs (oscillant surtout entre le bleu et le rouge, un peu à la manière des films de Nicolas Winding Refn) qui rendent certaines scènes particulièrement fortes. Beaucoup ont retenu la fameuse « scène de danse », aussi décalée qu'effrayante, et elle illustre parfaitement cette utilisation symbolique très forte des couleurs (le rouge est également présent lors des « pannes de courants », lourdes de sens en ce qui concerne notre robot).
Tout comme Winding Refn, le réalisateur Alex Garland donne beaucoup dans le symbolisme, notamment pour exprimer la fine séparation entre Humain et machine. Ce n'est pas toujours très fin, mais c'est assez efficace et classieux pour ne pas nous sortir du film.
Au final, « Ex Machina » nous propose plus une réflexion sur la nature humaine, sur ce qui fait un être humain, qu'un exposé sur l'Intelligence Artificielle. Chapeau bas, Monsieur Garland. J'attends votre prochain film avec impatience.