Lorsqu’il tourne Excalibur en 1980, John Boorman est un cinéaste respecté depuis le succès global du survival social Delivrance (1972) mais dont la suite de L’Exorciste (1977) a largement braqué le public. Le cinéaste s’était d’abord intéressé à une éventuelle adaptation du Seigneur des anneaux qu’il a du abandonner pour des raisons de droit ; il se tourne alors vers la mythologie arthurienne. Avec Excalibur, l’auteur de l’improbable et assez génial Zardoz se fait de nouveau maître du kitsch magnifique.
Boorman ouvre alors une série de films de fantasy qui va marquer les années 1980 au travers de succès ponctuels et parfois culte (Princess Bride, Dark Crystal, Willow). Dans les décennies suivantes le genre sera dominé par quelques sagas extrêmement populaires et rentables (Harry Potter, Le Hobbit). Mais comme certains produits phare de cette époque (tel Labyrinthe avec Bowie), Excalibur est un film de fantasy hasardeux y compris par son sérieux. Il est d’ailleurs dépourvu de l’espèce de second degré plus ou moins volontaire de Conan le Barbare ou de cet esprit comics proche d’Indiana Jones.
Car Excalibur est un soap shakeaspearien maniéré, dont le lyrisme et la foi ne sont pas découragés par les moyens limités. La conception est minutieuse, les couleurs sombres et bariolées. Le spectacle est lumineux au sens propre, avec notamment ces armes et armures étincelantes : cette faculté à générer un folklore clinquant et minimaliste à la fois est une marque de fabrique des produits Boorman les plus libérés et alimente la controverse. Ce film notamment est facilement raillé pour son mauvais goût supposé ou ses outrances ridicules ; et il reste adoré pour les mêmes raisons, par les nostalgiques et les amateurs de bizarreries opératiques les rejoignant.
Emphatique en tout, mais traversé par une légèreté surréaliste quasi nanardesque, Excalibur ne s’inscrit pas du tout dans les codes habituels et échappe notamment au carcan hollywoodien. Sa notoriété à long-terme et son image de grand-spectacle peut donc étonner compte tenu de la singularité mais aussi de l’aspect parfois cheap d’un tel produit. Il n’en demeure pas moins épique, charmant et vigoureux. Aux élans wagneriens contemplatifs s’associe un côté fantasque de Magicien d’Oz trop adulte. Excalibur n’est pas forcément un chef-d’oeuvre, car il s’éternise dans son dernier tiers et reste superficiel. Il reste un voyage surprenant, remarquable pour son style purement merveilleux et visuellement enchanteur.
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