"Excalibur" compte quelques défauts mais je ne peux m'empêcher de l'adorer.
Commençons par ces (petites) choses qui font qu'il est assez difficile d'y mettre 10 :
Si le "mauvais vieillissement" d'un film constitue un élément susceptible de vous faire renâcler, il faut avouer qu'"Excalibur", qui use de moult effets spéciaux plus ou moins ridicules et de décors plus ou moins mal faits, dans son optique de créer un monde onirique et fantastique (au début des années 80, kiiitsch), a malheureusement pris une ride...
Deuxième chose : le jeu de certains acteurs, surtout au début, comme s'ils gagnaient de l'expérience au cours du film, n'est pas, il faut l'avouer, toujours brillant. Et il y a le cas Nigel Terry (Arthur) à propos duquel je suis légèrement perplexe... Il a une drôle de tête quand même (au début), et une méchante voix (surtout au début également). Mais plus le film va, et plus il devient crédible (voire bon), ce qui, j'aime à croire, est peut-être partiellement intentionné, étant donné qu'il passe quand même de pécore à roi légendaire...
Troisième soucis "majeur" (je vous entends déjà : "mais l'aime t-il réellement ce film, à la fin ?") : quelques moments un peu plats, mais ceci est dû à un des éléments extrêmement positifs du film, dont je vais enfin pouvoir parler (j'aime faire des liens).
D'abord : la musique.
Non, je recommence.
D'abord : LA MUSIQUE !!! Ce qu'il a bon goût, ce Boorman ! Wagner et Orff, qu'est-ce que ça rend bien ! Et c'était LE choix à faire pour accompagner de l'épique, du légendaire (en revanche, ce n'est PAS le choix à faire pour accompagner des PUBS POURRIES, hein !). Du coup, on a des scènes tout simplement sublimes : ouverture, chevauchée chevaleresque sous les arbres en fleurs, final, pour ne citer que les plus marquantes. Mais de toute façon, dès qu'on entend (enfin moi en tout cas) l'air du "Crépuscule des Dieux", ça fait frissonner...
Et donc c'est pour ça qu'il y a des moments creux parfois, parce qu'après une scène éblouissante comme Boorman sait les faire, c'est assez normal que ça retombe un peu à plat... Ceci dit, cela se produit uniquement pendant la première moitié du film; à partir de la quête du Graal, ça ne fait que monter vers l'apothéose finale...
Ensuite, et c'est lié, l'atmosphère du film, même si ça a "vieilli", est très réussie. Le Boorman, ce qu'il aurait encore plus aimé, ça aurait été de faire son "Seigneur des Anneaux", malheuseusement il n'a pas pu obtenir les droits (et au passage, on peut observer la forte influence d'"Excalibur" sur la trilogie de Jackson, avec des scènes et une esthétique par moments très similaires), mais du coup il a fait un super mixe Moyen-Age/fantasy, créant une atmosphère très personnelle, et, je trouve, finalement très appropriée au mythe qu'est la légende arthurienne. On sent également que de nombreux plans ont été fortement influencés par certains tableaux dépeignant ladite épopée (préraphaélites), et ce avec un résultat très positif...
[A cela se mêle aussi un caractère fortement sexuel (une fois n'est pas coutume); la prédominance du charnel est très apparente tout au long du film...]
Et là, j'ai envie de consacrer un petit paragraphe rien qu'aux armures. Je les adore, et je pense qu'elles jouent un rôle symbolique important. J'adore comme elles sont démesurément encombrantes, renforçant les sentiments mêlés d'impuissance, d'absurdité, de fierté, de superficialité, liés à la violence et aux hommes par extension. Et non seulement elles sont encombrantes, mais les chevaliers, dont les mouvements sont lents et patauds (ce qui est quand même plus réaliste que de les voir sautiller partout (dans leur armure de 30 kilos) et de faire virevolter leur épée (de 6-7 kilos) d'une main à 100 à l'heure) n'arrêtent pas de se crouter, surtout dans de l'eau sale ou de la boue...
De plus, leur apparence est à l'image de l'état d'esprit des hommes qu'elles recouvrent et des temps que ceux-ci traversent. Au début du film, époque sombre et barbare, elles sont noires, couvertes de piques, bestiales. Tandis que durant l'âge d'or arthurien, elles sont nobles, pures; elles étincellent (mention spéciale à l'armure de Lancelot qui brille encore plus que les autres (normal, c'est le meilleur d'entre eux); par contre le côté poisson, moi j'aurais un peu la honte, mais bon... L'armure dorée de Mordred, avec son casque qui reproduit un visage d'enfant diabolique, mérite aussi une mention). Durant la quête du Graal, elles sont sales et rouillées, et à la fin, elles redeviennent étincelantes, mais se retrouvent couvertes de sang, je vous laisse déceler le(s) sens derrière tout cela...
Voilà : "Excalibur" a des défauts (légers ? Pas légers ?), mais il s'agit quand même, à mon sens, du meilleur film réalisé sur l'épopée arthurienne.
Pour utiliser une des formules dont Merlin est friand : "that's it."
