Excalibur s'anime
Avec la renaissance des studios Disney dans les années 1980, le public revient dans les salles pour profiter des longs métrages animés de la firme. Ce succès n’échappe pas à certaines compagnies qui...
le 13 oct. 2020
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Avec la renaissance des studios Disney dans les années 1980, le public revient dans les salles pour profiter des longs métrages animés de la firme. Ce succès n’échappe pas à certaines compagnies qui veulent aussi leur part du cellulo. Warner Bros veut quitter les petits écrans pour le grand, différents projets sortiront dans les années 1990, qu’ils distribuent ou produisent dans des nouveaux studios. L’investissement est important, la compagnie signe avec des grands noms. Don Bluth propose son conte de fées avec Poucelina en 1993, l’idole des foules Michael Jordan investit Space Jam en 1996, Brad Bird offre un des chefs d’oeuvre de l’animation en 1999 avec Le Géant de fer et les frères Farrely mélangent les techniques dans Osmosis Jones en 2001.
Excalibur, lui, peut compter sur la renommée de ses doubleurs, Cary Elwes, Gary Oldman, Eric Idle, Jane Seymour ou Pierce Brosnan, ainsi que celle de ses chanteurs et chanteuses, avec Céline Dion ou The Corrs. Mais Frederik Du Chau est un parfait inconnu, le restant de sa carrière ne volera d’ailleurs pas bien haut. Le projet avait pourtant été initié avec Bill Kroyer, responsable des effets visuels sur Tron et directeur de l’excellent Les Aventures de Zak et Crysta dans la forêt tropicale de FernGully sorti en 1992. Des différents créatifs entraînèrent le départ de Kroyer, suivis par le départ de nombreux animateurs, Frederik Du Chau gagnant alors en grade.
Le film sera un échec commercial lors de sa sortie en salles, ne compensant pas les frais engagés. Et pourtant, malgré sa production mouvementée, malgré cette discrétion, le film mérite d’être connu.
Prenant place dans le contexte des légendes arthuriennes, le cadre est connu, on y trouvera aussi bien Le Roi Arthur que Merlin. Mais ce ne sont pas eux les héros de cette aventure. C’est Kayley qui introduit le film. Fille d’un chevalier de la table ronde tué au combat par un renégat, Rubber, elle va grandir en s’affirmant dans l’ombre de cet héritage qu’elle voudrait reprendre. L’occasion lui est donnée quand Rubber revient pour tenter de prendre le trône et l’épée d’Excalibur. Mais l’épée est perdue dans la forêt magique à proximité de Camelot. Kayley décide de la retrouver pour sauver le royaume, venger son père et sauver sa mère captive. Elle trouvera de l’aide avec un jeune ermite aveugle, Garreth, et un dragon à deux têtes, Devon et Cornouailles.
L’occasion a été manquée de faire de Kayley l’unique personnage principale, la seule héroïne. Mais elle partage l’affiche avec un homme très dégourdi, en phase avec les étrangetés de la nature mais qui possède lui aussi un lien avec Camelot. C’est un duo qui fonctionne bien, guidé par de bonnes intentions. Ils incarnent aussi une des thématiques du film, au même titre que le dragon siamois, celui de l’appartenance et de l’identité. Marginalisés par leur sexe, leur handicap ou leur nature siamoise, les personnages avancent pourtant avec un certain allant, démontrant avec une certaine facilité qu’ils peuvent être, eux aussi, des héros.
Le film étant tout de même très court, ne dépassant pas les 1h15 en enlevant le générique, certains développements de personnages sont rapidement esquissés, d’autres semblent absents. Les états d’âme ne sont guère appuyés, les scènes s’enchaînent. Excalibur ne manque pas de rythme, c’est certain, mais on prend un tel plaisir devant qu’on aurait aimé pouvoir en avoir encore plus.
L’aventure s’écrit avec un grand A. Rubber est un chevalier fou, massif et grandiloquent, sa personnalité affirmée compense la faiblesse de ses intentions, conquérir le trône. Aidé par la magie noire, il a transformé des barbares en créatures démoniaques qui vont le suivre, tandis qu’il est accompagné d’un majestueux Griffon, imposant et dangereux. Toujours aux trousses des héros, ils poussent le récit vers de nouvelles péripéties. Car cette forêt enchantée ne manque pas d’étranges créatures, mais aussi parfois une certaine beauté, comme ces feuilles volantes, au sens propre. Garreth connaît cette forêt, peut en éviter les pièges, mais le danger reste présent et il faut être sur ses gardes.
Évidemment familiale, cette aventure ne manque pas de légèreté, seule la mort du paternel offrira un certain relief dramatique. L’humour du film s’incarne dans les héros, dans cette coopération méfiante puis complice entre Kaylee et Garreth, mais surtout dans ce dragon bicéphale. Chaque tête ayant sa personnalité, l’une étant plus élégante, l’autre plus rugueuse, les piques sont échangées, les commentaires se répondent. Leur chanson qui présente leur rivalité « Si je ne t’avais pas » est d’ailleurs un grand moment qui rappellera « Je suis ton meilleur ami » d’Aladin, l’animation partant dans des délires assez ingénieux. C’est Alain Chabat qui s’occupe des voix des deux têtes dans la version française et c’est à peine croyable car les deux voix sont très différentes mais en plus on ne reconnaît pas l’acteur.
Le film ne manque d’ailleurs pas de chansons, avec la main un peu lourde. Elles sont pourtant de qualité, The Prayer par Céline Dion avait été nominée pour l’Oscar de la meilleure chanson et remporta le Golden Globe correspondant. Les compositions sont signées Carole Bayer Sager et David Foster, tous deux déjà auréolés d’Oscars ou de Grammy Awards. Mais l’adaptation française est un peu à la peine, le texte semble parfois mal calqué sur les séquences et les notes. Étant donné que le film compte beaucoup sur ses intermèdes musicaux pour appuyer certains moments, c’est un peu regrettable de ne pas pouvoir les apprécier à leur juste valeur en choisissant la version française. Il y avait d’ailleurs eu le même problème pour Les Aventures de Zak et Crysta dans la forêt tropicale de FernGully.
Quest fot Camelot (en VO) a donc été vigilant sur la qualité a bande sonore. Le générique de fin commence avec un petit inventaire des personnages, avec leurs doubleurs, ceux qui chantent leurs chansons mais aussi leurs responsables d’animations. C’est un procédé assez rare dans de tels films animés de les voir ainsi mis en avant, ce qui s’explique peut-être par les conditions de production difficiles signalées précédemment. Le film ne bouscule pourtant pas Disney sur ce domaine, mais qui le pourrait ? L’animation est propre, les personnages ont ce qu’il faut de personnalité. Curieusement, le film semble plus à l’aise avec ses personnages non-humains tels que le griffon ou le dragon bicéphale. Pour les autres, en dehors de la flamboyance de Rubber, c’est comme si les animateurs avaient peinés à trouver l’équilibre entre un rendu crédible et les exagérations possibles de l’animation traditionnelle. Excalibur fait d'ailleurs partie de la dernière vague des longs métrages d’animation avant le raz-de-marée numérique.
On sent d’ailleurs que le métrage ne cherche guère à se démarquer par une esthétique originale, cela reste dans les clous d’une certaine façon de faire de ces années, notamment avec ces personnages humains un peu interchangeables. Le cadre celtique est employé à petites touches, à l’image du camp de Camelot et de sa muraille se dressant comme un monolithe poli par le vent, et des quelques touches de verdure dans les paysages. Mais les arrière-plans sont parfois un peu passe-partout, il n’y a que rarement l’intention d’émerveiller le spectateur.
Tant pis, le film touchera plus directement au coeur, grâce à ses personnages attachants, grâce à son rythme soutenu. Il offre ce plaisir simple de nous faire partager cette quête revisitée d’Excalibur.
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le 13 oct. 2020
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