Exhuma
6.6
Exhuma

Film de Jang Jae-Hyun (2022)

Choi Min-Sik, ce géomancien expert en feng shui

Il est assez étonnant ce filon du cinéma asiatique horrifique et fantastique, exploitant le registre du paranormal et des esprits sous un angle chamanique. Je me pose souvent la question de ce qui distingue cette origine géographique de la plus prolixe en la matière, l'AOP états-unienne, au sens où on a souvent tôt fait de s'extasier devant des films qui ne sont que des reformulations de choses extrêmement banales et convenues mais encapsulées dans un décorum exotique à nos yeux occidentaux. En tout état de cause, mes connaissances en la matière sont limitées et j'ai ressenti un lien très fort entre ce "Exhuma" (Pamyo) et deux films vus récemment : "The Medium" (Rang song) du thaïlandais Banjong Pisanthanakun, avec un corpus thématique très proche (esprit malfaisant, histoires de possession et d'exorcisme), et le célèbre "Kwaïdan" de Kobayashi (le segment "Hoichi" faisant intervenir un musicien dont le corps est recouvert de signes sacrés est tout de même très proche d'une des dernières séquences du présent film).


"Exhuma" se divise étrangement en deux parties très différentes, avec une rupture médiane qui aurait presque pu signifier la fin d'un premier film. Il s'agit peu ou prou d'une dichotomie avant / après la rencontre avec la figure maléfique en chair et en os (si on peut dire), quand bien même sa présence rôderait pendant une longue partie de la première moitié. Le fond de l'histoire est assez simple, malgré la profusion de personnages : une famille américano-coréenne fortunée semble victime d'une malédiction inquiétante (les nouveau-nés souffrent d'une pathologie étrange) et sollicite l'aide de personnes extérieures pour sauver la vie du dernier venu. A posteriori on se dit qu'ils auraient peut-être mieux fait de ne rien changer au cours des choses, et laisser les esprits enfermés comme il faut, m'enfin bon, ça n'aurait pas fait un film (ou alors une variation de "Buried"). C'est donc avec une tonalité éminemment sérieuse autour de la présence d'esprits maléfiques que se greffent quatre personnages, deux jeunes chamans constatant l'ampleur des phénomènes paranormaux transmis de génération en génération, un géomancien expert en feng shui (Choi Min-Sik, qui s'y connaît mieux en entités diaboliques sanguinaires qu'en philosophie zen d'aménagement d'intérieur) et un entrepreneur de pompes funèbres.


Tout ce beau monde progressera le long d'une enquête retorse les menant jusqu'en Corée, jusque dans ses secrets antiques enfouis sous terre — occasionnant une plongée douloureuse dans l'histoire conflictuelle avec le Japon et sa colonisation au début du XXe siècle. Un personnage possédé délivrera la clé de compréhension du mystère : " Le renard a brisé la colonne vertébrale du tigre". La symbolique restera très fort tout au long de l'intrigue, entre les divers rituels pratiqués pour exhumer des corps, les coups de malchance (apparemment, couper la tête d'un serpent en pleine exhumation, c'est une très mauvaise idée), la cupidité des uns (certains coffres / cercueils auraient manifestement gagné à rester scellés) et la vengeance des autres (il est notamment question d'un samouraï antédiluvien pas hyper jovial). Dommage que Jang Jae-Hyun n'ait pas réussi à canaliser le crescendo en intensité jusque dans la seconde moitié qui investit pleinement le registre de la folk horror.

Morrinson
4
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le 20 août 2024

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Morrinson

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