Plaies intérieures
Après Cecil B. DeMille, c'est au tour de Ridley Scott de s'attaquer à la vie de Moïse et notamment la façon dont il a conduit les hébreux hors d'Égypte et, de sa jeunesse comme prince jusqu'à...
le 26 déc. 2014
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Ridley Scott, après avoir revitalisé le genre du péplum avec Gladiator en 2000, continue d’explorer les épopées historiques et religieuses avec des ambitions de réalisme et d’envergure visuelle. En 2005, avec Kingdom of Heaven, il propose une fresque intense sur les Croisades, abordant les tensions entre Chrétiens et Musulmans au XIIe siècle, tout en soulevant des questions sur la tolérance et la foi. Sa volonté de réinventer le film historique se poursuit, et en 2012, Ridley Scott annonce travailler sur une nouvelle adaptation biblique : celle du Livre de l’Exode.
Initialement intitulé Moses, le scénario du film est d'abord écrit par Adam Cooper et Bill Collage, puis retravaillé par Steven Zaillian, scénariste de renom. Le scénario de Moses, rebaptisé Exodus : Gods and Kings, cherche à capturer non seulement les dimensions spirituelles et légendaires de ce récit biblique, mais aussi à en donner une vision ancrée dans l’histoire et la vraisemblance.
En choisissant une approche (trop !) réaliste, Ridley Scott s’éloigne de la vision miraculeuse traditionnelle des Dix Plaies et de l’Exode, préférant des explications fondées sur des phénomènes naturels. Ainsi, les eaux du Nil deviennent rouges en raison d’une prolifération d’algues, ce qui entraîne des réactions en chaîne, comme l’apparition de grenouilles, d'insectes, de maladies bovines et de tempêtes, montrant les Plaies comme des calamités plausibles et non comme des actes divins. Ridley Scott s’appuie sur des théories scientifiques qui soutiennent que des catastrophes naturelles pourraient avoir inspiré les récits bibliques, y compris le retrait des eaux de la mer Rouge, interprété ici comme un phénomène de reflux lié à un tsunami, conséquence possible d’un séisme méditerranéen.
Sorti en 2014, Exodus : Gods and Kings est dédié par Ridley Scott à son frère Tony Scott, décédé en 2012. La dédicace donne une dimension personnelle au projet, marquant l’une des œuvres de Ridley Scott d’une tonalité intime au milieu d’une grande épopée biblique.
Je ne vais pas rentrer dans la polémique du casting occidentale, mais j’aimerais mettre l’accent sur la magnificence visuelle du film. La reconstitution de l’Égypte antique est à la fois puissante et luxuriante. Les décors sont baignés dans une aura de divinité, nous transportant au cœur des temples, des palais et des vastes terres fertiles du Nil, où chaque détail semble animé par le souffle des dieux. Les monuments imposants, les statues colossales des pharaons et les pyramides qui touchent le ciel renforcent cette impression d’immortalité et d’omnipotence divine de l’Égypte pharaonique. La lumière du soleil inonde les décors et sculpte l’ombre des bâtisseurs de cette civilisation, plongée dans un symbolisme sacré. Cette Épouse du Nil apparaît comme une terre bénie, mais éphémère, et la caméra de Riddle Scott donne à voir la grandeur de ce royaume, comme une prière en hommage à une civilisation qui, bien que d'une opulence inégalée, reste aussi fragile qu'un royaume de sable.
L’abondance de l’Égypte est une métaphore visuelle qui contraste avec l’austérité de la condition hébraïque, soulignant le fossé spirituel et matériel entre les oppresseurs et les opprimés. La beauté éclatante du palais, avec ses salles d’or et de marbre, ses bassins remplis d’une eau précieuse, dessine un monde de richesses inaccessibles pour Moïse et son peuple. Alors qu’il évolue au milieu de ces richesses, Moïse est bientôt destiné à rejoindre le désert, à se détacher de cette opulence pour embrasser une vie plus rude mais nécessaire, empreinte de foi et d’ascèse. Ce contraste visuel devient un symbole, une sorte d’épreuve divine imposée à Moïse et aux Hébreux, où la pauvreté matérielle s’élève au rang de libération spirituelle, un chemin initiatique qui les rapproche d’un destin prophétique.
Christian Bale incarne Moïse avec une évolution intérieure subtile, mais palpable. Il débute en soldat égyptien, parfois léger, sans vision prophétique, jusqu’à ce que sa vie prenne un tournant radical. Marié à Séphora, père de Gershom, il devient un homme ancré dans le devoir sacré, chargé d’une mission divine. Bale transmet à Moïse une intensité presque mystique, un dilemme entre sa loyauté passée envers les Égyptiens et sa responsabilité comme guide des Hébreux. Moïse ne souhaite pas employer une violence excessive ; il est tiraillé entre son affection pour ceux qu’il a aimés et sa volonté de voir son peuple affranchi. La scène où il grave les Dix Commandements est emblématique : Moïse, à cet instant, est autant empli de joie divine pour la liberté de son peuple qu’attristé par la certitude des conflits à venir. Bale fait de Moïse un patriarche complexe, avec une profondeur que ses hésitations rendent encore plus humaine.
Joel Edgerton, en revanche, peine à donner à Ramsès une stature à la hauteur de la légende. Son interprétation semble limitée à une succession de plaintes qui le réduisent davantage à un souverain capricieux qu’à un roi-pharaon inspiré par les dieux. Ramsès apparaît souvent vulnérable, obsédé par les comparaisons avec son père et pris dans un cycle de lamentations autour de ses soucis personnels. Les scènes de querelles autour de Moïse, de l’état du royaume ou de la lenteur de la construction de son palais affaiblissent le personnage, qui reste à l’ombre du prophète, incapable de s’imposer comme une figure menaçante ou inspirée. Cette interprétation limite la dualité Moïse-Ramsès, le reléguant à une figure presque secondaire, perdant de l’épaisseur divine et épique qu’on pourrait attendre d’un antagoniste de cette ampleur.
Le film souffre d’un rythme exagérément lent, une longueur qui pèse malgré la richesse des décors et la beauté des paysages sacrés. L’intrigue se déploie avec une lenteur excessive, et les scènes paraissent souvent en décalage, presque dévitalisées, ce qui atténue considérablement la force dramatique du récit biblique. Au fil des scènes, l’ennui s’installe comme un fardeau, et même les moments de tension, censés exalter la grandeur ou la terreur, semblent trop dilués. Cette lenteur éloigne le spectateur du souffle épique qu’il pourrait attendre d’une épopée telle que celle de l’Exode, où les enjeux divins et humains devraient s’entrelacer dans un rythme plus inspiré, plus captivant. Hélas, l’impression finale demeure que le film, trop lent, ne parvient pas à éveiller l’enthousiasme mystique que le sujet mérite.
Exodus : Gods and Kings est une œuvre ambitieuse, visuellement majestueuse, qui parvient à déployer une Égypte antique à l’esthétique sacrée et captivante. Ridley Scott s’attaque ici à l’un des récits fondateurs de la foi avec une approche réaliste qui apporte un angle original, mais qui, au final, atténue parfois la dimension spirituelle de cette histoire. Si Christian Bale incarne un Moïse touchant, tiraillé entre ses loyautés, le personnage de Ramsès déçoit, amoindrissant le conflit central. Le rythme lent nuit à l’expérience, rendant l’épopée de l’Exode moins vivante qu’elle pourrait l’être. En somme, Exodus : Gods and Kings reste une fresque inaboutie, où la foi et la grandeur biblique s’effacent parfois derrière une quête d’authenticité qui, paradoxalement, limite son souffle épique et spirituel.
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Créée
le 4 nov. 2024
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