Exodus est limpide, sans sous texte, dans une reconstitution classique, avec un casting connu, des moyens conséquents et sur un format maousse (deux heures trente, aussi long que le dernier Hobbit). C’est la jolie façade pour dire aussi qu’il est sans surprise, sans audace, sans parti pris notable, bref, qu’on sait exactement ce que l’on va voir en payant sa place. L’histoire est adaptée à la virgule près, avec quelques menus aménagements pour rendre le visionnage intéressant et dynamique (surtout dans les réflexions des personnages, la crédulité du pharaon devant un présage, la foi inébranlable de Moïse, les visages épuisés des hébreux… En fait, le seul petit parti pris que j’ai cru voir, c’est la redondance de la formule « peuple élu » et les insultes des citoyens égyptiens pendant l’exode de la population élue, qui ressemblent à une tentative de bien souligner un premier visage d’anti-juiverie (mais tout cela est avant le retour à Canaan, donc pas encore vraiment approprié). Pour le reste, le film conserve une certaine part de réalisme (surtout avec le parcours de Moïse et ses affrontements avec le pharaon), et cultive un peu de tribal avec le cortège d’exécutions publiques qu’il met en scène, propice au vent de révolte. Mais le film a aussi un côté fantastique, notamment avec l’apparition de Dieu. Qui prend la forme d’un enfant. Et là, je commence à trouver le film lourd. Car c’est facile, de faire parler un môme qui te dit « je suis » et qui se révèle imprévisible. Vraiment, j’aimais quand Constantine disait « Dieu est un enfant qui joue avec une fourmilière », et ici, c’est lourd à en soupirer. Alors que le film avait tous les éléments pour s’éviter une telle lourdeur, il se vautre dans le symbolisme gras, pas vraiment surprenant de la part de Ridley Scott (Kingdom of Heaven ne brille pas par sa subtilité), mais rageant. Quitte à faire du grand péplum, autant laisser ouverte une interprétation purement réaliste. Mais Ridley délaisse bien vite la finesse pour déchaîner les enfers, avec du numérique comme si il en pleuvait. Crocodiles, grenouilles, mouches, maladies, sauterelles… Tout y passe, dans une colère naturelle qui réjouit pour son côté catastrophe soigné, mais qui perd largement en finesse dans sa démonstration spectaculaire. Si les enchaînements sont cohérents, le récit devient rapidement lourd, jusqu’au grand final qui se révèle vite gâché par plusieurs fautes de scénario. Les hébreux partent, et immédiatement, on voit alors le pharaon qui broie du noir sur le cadavre de son fils, avant de se lever et de partir fissa avec son armée. Deux cavaliers aperçoivent le départ, galopent pendant deux ou trois plans, rejoignent le peloton des hébreux, remontent en tête (inutile de dire qu’ils sont des dizaines de milliers), et que l’armée est à 4 jours derrière eux… Mais c’est complètement stupide ! L’ellipse temporelle a été torchée à la va vite. Et je ne sais pas si on se rend compte qu’un groupe de dizaines de milliers de personnes désorganisées avance à un rythme lénifiant. Si les deux cavaliers les ont rejoint, l’armée de Ramsès, qui avance à un petit galop, est au grand max à 2 heures de cheval… On a alors le bon coup de la petite route escarpée des montagnes. On pensait que c’était facile pour gagner du temps, que Ramsès serait obligé de contourner, en laissant le temps de voir les eaux se retirer. Mais non, il prend la même route. Du coup, il perd la moitié de son armée dans un accident bête, mais il prend toujours de l’avance. Autant dire qu’il les talonne. Et puis non, il se passe un soir, une nuit et une journée complète pour qu’il parvienne enfin à les rejoindre, toujours sur son char lancé à toute allure. Le lièvre court, mais moins vite que la tortue grâce à une illusion de montage des scènes. Enfin bon, on ne crachera pas sur le raz de marée (je m’imaginais Moïse s’en sortir en faisant du surf sur un bouclier avec the piñacolada song en fond sonore, mais Ridley n’a pas exaucé mon souhait). Après ces trépidantes aventures, il conclut dans les formes, sans se forcer. Avec quelques gros défauts et une formule qui ne surprend jamais, Exodus n’offre d’intérêt que pour son faste visuel et le goût de voir un péplum à l’ancienne. Si c’était un nouveau réalisateur, ou un casting moins connu, nous serions sans doute plus cléments. Mais ici, on a un gros air de déjà vu…

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le 5 janv. 2015

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Voracinéphile

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