Ou les conséquences d'un casting trop cher
Quatre ans après la venue des Expendables dans les salles de cinéma, les voici de retour pour la troisième fois, plus en forme et plus nombreux que jamais ! D’autant plus que la belle troupe s’est offerte une avant-première hors compétition lors du 67e Festival de Cannes. De quoi mettre en avant la notoriété de la bande qui sortait tout juste du succès commercial (et un chouïa critique) de l’opus précédent. Malheureusement pour Sly and co., le public n’était pas au rendez-vous de ce troisième film. La faute à un téléchargement prématuré du film et à une classification PG-13 alors que la saga a été habituée à plus ? Pas seulement…
Avant d’attaquer la critique de ce film, penchons-nous sur ce qui avait été la réussite (bien que cela soit un grand mot) d’Expendables 2. Une suite qui été arrivée là où le premier opus avait échoué, à savoir réunir les gros bras d’hier et de demain pour un divertissement sans prise de tête qui les iconifie un maximum sans se prendre une seule fois au sérieux. Pour cela, il a fallu un zoom en gros plan sur Stallone énonçant le plan de sa bande (« Les traquer, les trouver et les tuer ! »), des punchlines hilarantes (« Repose en pièces ! »), une scène d’ouverture grandiose, des personnages caricaturés un max, un antagoniste du nom de Vilain (oui, ils ont osé !), des séquences poilantes (Bruce Willis et Arnold Schwarzenegger au volant d’une Smart) et des moments de pur bonheur (l’apparition WTF de Chuck Norris). Tout ce qu’il fallait pour passer un très bon moment avec de l’action désopilante et des protagonistes délirants. Et qui n’a, bizarrement, pas été repris dans cette suite…
À commencer par le scénario. Alors attention, les Expendables n’ont jamais brillé par leur script, la trame nous incitant à suivre un commando de gros bras partant casser la figure à des méchants pas beaux. C’est sûr que niveau originalité, nous avons déjà vu mieux ! Mais en même temps, quand on regarde Expendables, on s’attend à voir un semblant des films d’action des années 80-90, dans lesquels un ou plusieurs héros badass ne faisaient jamais dans la finesse. Ce que nous livrait le 2ème opus. Ici, après deux séquences d’action, le film traîne la patte jusqu’au dénouement final, une demi-heure de fusillades, de corps-à-corps et d’explosions. Un milieu de long-métrage vide de toute action et humour (oui, cet Expendables 3 se prend au sérieux : ça manque de caricatures et de punchlines !) qui préfère perdre son temps (soit 1h20) dans de la dramaturgie inutile. En bref, Expendables 3 possède le même défaut que The Lone Ranger : deux grandes scènes d’action réunies par un vide sidéral et fort ennuyeux.
Pourtant, le scénario ne manquait pas d’idée vis-à-vis du concept même de la saga. Comme, par exemple remplacer nos gros bras de l’ancienne école par des jeunots au beau milieu du film, et finir ce dernier en réunissant tout ce joli monde. Là, ça revenait véritablement à associer vieux et jeunes acteurs du cinéma d’action. Mais le problème réside dans le casting, l’erreur étant d’avoir pris des comédiens tels que Jason Statham et Jet Li dès le début de la franchise. En effet, les voir ici prendre la place de Dolph Lundgren et autres Schwarzy aurait eu plus d’impact. Mais comme ils font partie de la bande depuis le premier opus, le passement de main en devient intolérable (étant donné que nous avons eu le temps de s’attacher à eux en deux films), les virant pendant une bonne partie du scénario contre des personnages/comédiens totalement inconnus et sans aucun charisme. Surtout que l’histoire même du film s’attarde sur cette nouvelle bande dont nous nous fichons royalement, vu que nous voulons voir Snipes et consort. Du coup, l’ennui ne peut que pointer le bout de son nez ainsi que l’intérêt de ce troisième opus.
Mais s’il n’avait que cela comme défaut, Expendables 3 aurait pu passer. Ce n’est malheureusement pas le cas, à cause du casting. Une distribution sur le papier incroyable, qui réunit un bien plus grand nombre de comédiens du cinéma d’action que les films précédents, mais se révèle être d’une inégalité inacceptable : des comédiens n’en ont rien à faire d’être là (Stallone en tête), jouent mal (Schwarzy), cabotinent un max (Jason Statham, Harrison Ford) et parfois à la limite du supportable (Antonio Banderas), passent inaperçus (Robert Davi, Jet Li, la bande de jeunots tels que Kellan Lutz et Ronda Rousey), sont bien mais n’ont aucune utilité à l’ensemble (Kelsey Grammer), s’amusent comme des petits fous (Wesley Snipes et Mel Gibson)… Arrivé à un tel constat, cela en est presque honteux. Et ça l’est encore plus quand on voit les conséquences que cela apporte au film !
Avoir autant de comédiens aussi reconnu du cinéma hollywoodien n’est pas gratuit, même pour un type comme Stallone. Qu’il ait viré Bruce Willis parce que ce dernier réclamait un cachet de 1 à 3 millions de dollars juste pour quelques minutes d’apparition n’aurait sans doute pas changé grand-chose au fait que chacun des comédiens de ce film ait pompé la quasi intégralité du budget du film. Du coup, il ne reste plus grand-chose pour qu’Expendables 3 ait la moindre envergure. Il suffit de voir les séquences d’action qui font peine à voir : une mise en scène d’une platitude exaspérante (c’est beau de chercher du sang neuf en la personne de Patrick Hughes, encore faut-il avoir du savoir-faire), des effets spéciaux dégueulasses (du numérique semblable à celui visible dans les téléfilms) et totalement paresseux (des explosions faites par ordinateurs et non en vrai comme dans les opus précédents)… Il suffit de voir la séquence d’action finale, où notre troupe affronte une armée entière, cette dernière étant équipée de tanks et d’hélicoptères. Un moment qui aurait pu être d’anthologie, d’autant plus que ça bouge pour notre plus grand plaisir. Mais le manque de punch et d’envergure gâche tout !
Alors que le second film avait corrigé les défauts du premier, nous voilà invraisemblablement revenus à la case départ avec Expendables 3, un film d’action qui est sauvé de la médiocrité par son final et la composition de son casting. Malheureusement, cela ne suffira pas à voir ce long-métrage comme un nanar potable, son côté sérieux et son manque d’envergure parasitant l’ensemble. M. Stallone, le fait que votre film ait été piraté et censuré volontairement pour avoir un plus large public n’est pas étranger à l’échec de votre film. Mais il faut vous ouvrir les yeux : sa piètre qualité en est le principal coupable ! Alors oui, faites un Expendables 4 comme convenu ! Mais faites-le en prenant exemple sur le 2 : pas sérieux pour un sou et sans prise de tête !