Extravagances
6.4
Extravagances

Film de Beeban Kidron (1995)

Découvert en recherchant les petits rôles de Robin Williams, To Wong Foo thanks for everything Julie Newmar est un petit feel good movie pleinement orienté, calqué presque sur le modèle de Priscilla folle du désert dans sa structure et ses ambitions. Pourtant, le résultat pointe vers autre chose, modifié par le ton très à l'américaine pris par l'histoire, à la fois dans les qualités et les défauts. La principale qualité, c'est le trio d'acteurs masculins. Parfaits dans leurs interprétations, c'est surtout la surprise de voir Wesley Snipes, ce bon vieux Blade complètement épilé se dandiner en robe et en talons avec effusion constante de tics efféminés et de voix de fausset, qui permet d'emporter le morceau et de tirer le film plus haut qu'il ne le mérite vraiment. Patrick Swazye est dans un registre plus digne, en cohérence avec le caractère un brin protecteur et pédagogue de son personnage. Leguizamo est probablement le plus beau des trois, celui dont le physique se prête le mieux à l'exercice (pas vraiment un hasard que le tremplin final lui soit offert, malgré la concurrence rude). Lui se contentera de jouer son personnage un brin dramatique, néanmoins intéressant pour l'épisode cow boy (je ne m'attarde pas plus en commentaires, sa performance est honnête, c'était aussi le moins connu du lot, et sa reconnaissance a depuis considérablement augmentée). To Wong Foo est un film américain financé par Amblin (la firme de Spielby, le divertissement de qualité et la variété pour les masses), et a donc une approche radicalement grand public. C'est ce qui le distingue clairement de son cousin australien, et qui me l'a finalement fait préférer à ce dernier, y compris dans ses faiblesses. To Wong Foo est un film naïf, et très vite qui désavoue son sujet (tous les personnages secondaires ne semblent jamais remarquer la nature de nos trois folles, souvent lançant une réponse à côté de la plaque pour désamorcer). Il est résolument trop bon enfant pour être pris sérieusement (malgré la bienveillance de ses opinions, on doute très vite que la vie d'un petit village de white trashs bouleversé par l'arrivée de trois travestis se transforme en communauté tolérente, ouverte et rayonnante en l'espace de quelques jours, qui ne feignent jamais l'acceptation car ils ne semblent jamais s'être rendu compte de qui ils hébergent). C'est le prix de l'optimisme : une déconnexion avec la réalité, car on ne peut pas aborder le sujet sous l'angle grand public sans enlever le crade et le scabreux (de très très rares allusions sexuelles). Alors, on se transpose dans un univers plus doux et accueillant, où les freaks sont davantage des curiosités que des monstres sexuels.


De cette déconnexion jaillissent pourtant les ambitions recherchées. Le film est bon enfant, remplit parfaitement ses objectifs de remonter un peu le moral et surtout d'afficher un optimisme constant, même dans l'évocation des problèmes du quotidien (violence de certaines relations...). Il a surtout toujours une approche très digne de ses personnages, qui arrivent finalement à vivre malgré les circonstances. Cette façon se s'assumer est radicalement différente de Priscilla, qui elle jouait toujours la carte de la provocation. Quitte à être différent, autant toujours forcer le trait, parfois jusqu'à un grotesque qui rendait ses personnages racoleurs et hideux (l'archétype du queer freak, ce mouvement un peu punk qui justifie ses excès par "la différence ne sera jamais acceptée de toute façon", alors c'est open bar !). Jamais, ici. Même dans les temples LGBT, l’exubérance vise toujours la beauté, et au quotidien, simplement l'intégration. Celle ci est considérablement facilitée par le climat artificiel du scénario, mais elle a le mérite de ne jamais choquer, en respectant la dignité de ses personnages. C'est définitivement l'approche digne qui m'a conquis, quitte à verser dans la guimauve, car To Wong Foo tire les gens vers le haut. Plus que de mettre tout le monde mal à l'aise. Un peu moins de numéros musicaux, mais une bande son dynamique, de quoi donner un peu de rythme à la bonne humeur entre deux moqueries sur le shérif à la poursuite de notre trio ou sur la dernière crasse du cliché redneck viril qui bat sa femme (le seul qui soit traité avec sérieux sans rédemption). To Wong Foo ne sort pas des sentiers battus par ses idées, mais son approche très soft en devient finalement un atout, les acteurs conservant l'attention pour leur performance et le ton global fonctionnant. Il n'y a pas d'engagement à proprement parler pour la cause, ou de message à voir. Juste une ode aux bonnes intentions et assez de rythme et de bonne humeur pour apprécier l'initiative. Si j'ai tendance à trouver l'insipidité assez regrettable, il est de ses films qui ne prennent pas de haut leur public, et avec To Wong Foo, on est plutôt à la fête. Un parfait film de filles au casting inattendu.

Voracinéphile
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le 3 mai 2015

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