Bien avant que Brian DePalma ne s'empare du thème du voyeurisme pour en faire un de ses thèmes de prédilection (Obsession, Blow Out, Body Double...), il y eut Extreme Close-up, de Jeannot Szwarc. Peut-être inspiré par le Rear Window de Hitchcock, Michael Crichton écrivit ce scénario en 1973, précédant ainsi largement cette mode du film érotique et voyeuriste dont Brian DePalma a tant profité, et qui semble désormais avoir vécu une vraie mode dans les années 60-80.


Ici, le personnage principal est déjà un professionnel de l'image (comme chez Hitchcock ou dans le Peeping Tom de Powell et Pressburger), qui oublie de rendre des téléobjectifs et des micros empruntés pour un reportage, et se laisse progressivement happer par les vices du voyeurisme.


Le film approche le sujet avec un certain humour (comme la scène ou un chien interrompt le voyeur, ou les interventions du collègue), et un second degré assez plaisants, et la réalisation rend autant hommage à Dziga Vertov (l'Homme à la Caméra), qu'à Hitchcock. Le scénario de Crichton n'hésite pas à explorer l'impact du voyeurisme sur le personnage principal, notamment un regain de libido avec sa femme, et des mensonges auprès de son entourage (bien que son collègue ne semble pas aussi dupe que sa femme). Certaines mises en abyme sont réellement intéressantes ; le personnage principal est un voyeur, mais il fait également un reportage sur le voyeurisme, invitant ses spectateurs à se méfier de gens comme lui. La caméra nous montre parfois d'abord sa cigarette ou qu'il mange un sandwich avant de nous révéler qu'il a l'œil collé à son téléobjectif. Le film est très bien réalisé et de nombreuses scènes sont vraiment intelligentes (la scène de sexe au bord de la piscine interrompue brutalement, la métaphore quasi-phallique des microphones-antenne et des objectifs à rallonge pointés sur de vulnérables femmes qui ne se doutent de rien, la scène du hurlement du bébé pendant que lui lit son journal, l'avant-dernière scène où son collègue lui indique ce que sera le sujet du prochain reportage...).


Extreme Close-Up fut renommé "Sex Through a Window" dans certains pays après sa sortie - probablement un titre plus vendeur - puis, comme de nombreux films sans grosses stars des années 70, il fut très vite oublié. Il mérite d'être redécouvert, comme d'ailleurs l'œuvre de Jeannot Szwarc, un des rares réalisateurs français ayant vraiment réussi à Hollywood. Sa réalisation est vraiment efficace et le film, assez court, ne comporte aucun temps mort. Le scénario de Crichton est un autre des points forts du film, ainsi que la musique de Basil Poledouris, qui devint par la suite un grand compositeur de musiques de film et livre ici sa toute première partition, très entraînante.


Le film s'inscrit de plus dans une série de films fascinants explorant le thème du voyeurisme, et rappelle Rear Window, Body Double, Obsession, Peeping Tom, ou le plus récent Hollow Man, de Paul Verhoeven, dans lequel le personnage principal était également un voyeur à la morale douteuse. Le thème de l'espionnage était également d'actualité récemment avec Snowden, et il n'y a aucun doute que ce sujet mériterait de redevenir à la mode, à l'heure des réseaux sociaux et des technologies connectées omniprésentes.

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le 23 févr. 2017

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