Le dernier film de Stanley Kubrick est sans doute son meilleur comme le Maître l'avait confié avant sa mort. C'est un film labyrinthe, à l'instar de Shining auquel on pense souvent en visionnant EWS. Ne serait-ce que pour ses sublimes travellings qui jalonnent le film du début à la fin. Labyrinthe aussi pour Bill Harford qui ère dans les rues de New-York et en même temps dans un kaléidoscope de situations érotiques jusqu'à l'orgie. Mué par son obsession d'imaginer sa femme faisant l'amour avec un autre homme. Ce désir transgressif que Nicole Kidman lui exprime lors d'une scène conjugale, enivrée par les embruns de marijuana. La transgression assaille Bill qui n'est coupable finalement que de simples désirs, rêvés ou pas. Le désir est l'essence du film et il se présente à nous comme une réalité alternative. Nous sommes constamment à la frontière entre le réel et l'imaginaire dans une espèce de rêverie jubilatoire. Les décors sont magnifiés par les lumières de Noël et hauts en couleurs bariolées ce qui renforce l'impression de cette " inquiétante étrangeté ". Et nous soumet aux rêve éveillé. Lors de la soirée chez Ziegler, deux mannequins proposent à Bill d'aller au delà de l'arc-en-ciel, la boutique de costumes se nomme " The rainbow ", la mise en scène invoque les couleurs. Aller au delà de l'arc-en-ciel, c'est ce que fait Bill lors de ses pérégrinations nocturnes. C'est ce que fait Alice ( au pays des merveilles ?) en rêvant de pulsions sexuelles. Le dernier film de Kubrick est magistralement mis en scène. On peut, de ci, de là, s'amuser à chercher dans certains plans, toute la filmographie de Kubrick. Comme par exemple, la salle de bal de Ziegler qui évoque la Golden Room de " Shining " ou bien la bande de jeunes qui malmènent Bill et qui fait penser aux droogs d' Orange mécanique " ou encore le lit de mort chez la patiente de Bill qui évoque " 2001, l'odyssée de l'espace "...EWS est un film monumental et doté de mouvements de caméra somptueux. Le tout baignant dans une atmosphère onirique qui respecte la nouvelle de Schnitzler dont le film est tiré. Bref, nous sommes bien dans un film de Kubrick, où, pour reprendre Michel Chion " l'humain est trop humain ". Et saluons au passage la superbe ironie du dernier mot de la fin " Fuck ". On ne pouvait rêver mieux.