Fabian
6.3
Fabian

Film de Dominik Graf (2021)

"Fabian ou l'abonnement Netflix" :p

Une histoire d'amour plutôt belle, dont le tragique est peut-être trop fait, mais néanmoins déchirant. On se retrouve et on se sépare, on l'a beaucoup vu mais ça reste touchant de la manière dont c'est montré dans Fabian. La fin est au contraire très originale. Elle rompt le mouvement tragique, pour remettre la vie à sa place, loin de ses passions frénétiques et motrices, c'est-à-dire dans le royaume de l'éphémère et de l'ordinaire.

C'est surtout tout le cadre général du film que je trouve très bien, la grosse lunette : l'amitié avec Labude, qui rythme en fait une quête vers l'inconnu selon moi ; le paysage social, exprimé dans chaque plan avec beaucoup de réalisme ; et puis le paysage symbolique qui flirte avec tout le reste.

Y a aussi une misogynie tragique exprimée en filigrane au travers du personnage de Cordelia : peut-elle vivre pleinement, les autres femmes, notamment celles qui se prostituent, peuvent-elles vivre pleinement dans ce monde ? Mais j'ai l'impression que c'est plus qu'un essai de créer une ambiance misogyne : on dirait surtout qu'il y a une espèce d'antihumanisme derrière la caméra, un dégoût des humains en général : une maladie du genre exprimée par les corps. Fabian passe son temps à courir après des femmes qui la lui mettent à l'envers, tandis que c'est lui le type le moins misogyne de la ville. Il se ferme progressivement, car il a sa fierté, mais en même temps, un de ces femmes à une emprise bien trop forte sur lui, plus forte que sa propre fierté. On ne sait finalement pas trop si c'est le personnage ou le réal qui critique cette société en plein délire, dont les membres sont tous pourris, de la prostituée jusqu'au professeur de philosophie. Au milieu de tout cela, c'est Fabian, l'artiste, lui aussi dégénéré, malade du coeur, rongé par une amertume profonde qui lui conserve toutefois un peu de libre-arbitre et de critique. Ce portrait de l'artiste dans un environnement matériel et symbolique particulier est en soi un point fort du film. Fabian n'est pas n'importe quel écrivain : c'est un écrivain issu d'une certaine vision de l'Allemagne d'entre deux guerre, et dont le film constitue un peu le paysage quotidien. Ce qu'on voit, et c'est la que l'ambivalence est excellente, c'est au travers des yeux du réalisateur et/ou du narrateur et/ou de Fabian qu'on le voit. Ce monde on ne le connaît pas et on ne le connaîtra jamais, mais le film propose au moins de le ressentir.

Enfin, cet amour il est beau justement car on sait pas quoi en penser exactement : est-ce l'amour parfait ? est-ce de la manipulation ? est-ce seulement réciproque ? Le film nous laisse douter, dans cette tornade d'affections multilatérales et toutes nuancées.

Entre éloignement, suicide et noyade, c'est en tout cas un amour en suspension...

Encore une fois le film est très dense, très riche, propose beaucoup de choses sur le plan cinématographique et je peux pas trop en juger. Voici mes notes et elles sont ce qu'elles sont. Elles sont là pour être discutées :) J'hésitais avec un 7, mais le film en plus de m'émouvoir a l'air de proposer beaucoup beaucoup de choses, dont n'hésitez pas à me dire ce que vous pensez vous de cette manière de filmer !

Leodegar, le 15 mai 2023.

Leodegar
8
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le 22 mai 2023

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