Ben mon salaud ! La palme d’or… est une sacrée claque. J’avais toujours refusé de le regarder par apriori, comme tous ceux qui l’ont critiqué sans l’avoir vu, ou l’ont regardé avec des idées reçues bien senties. Comment ne pas ? On connaît tous Michael Moore le pourfendeur du système, le clown, le lanceur d’alerte, l’ennemi de Georges Bush junior. Faire de Fahrenheit 911 une tirade anti Bush, une « busherie », un film facile où on répète les mêmes trucs qui ont déjà marchés 1000 fois ailleurs c’était facile, le piège. En plus la palme d’or donné par un jury présidé par Tarentino ça ressemblait fort à une blague. Sauf que non. Sauf que là, je me décide enfin à visionner le truc. Et là c’est tout sauf une blague. Et la boucherie commence.
La meilleure palme d’or des 20 ou 30 dernières années. Michael (et son équipe) ont fait un travail de fourmi. Analyser le cas Ground Zéro. Que s’est-il passé le 11 septembre ? Ce fameux jour où les USA ont étés attaqués pour la première fois sur leur territoire. Et M est tenace comme un pitbull terrier, on le connaît pour ça. Il met la lueur sur tous les petits détails, là où ça fait mal, et le tout cumulé ça fait un effet bœuf. Quel a été le rôle joué par la famille du président, et de son administration, du président lui-même ? Á ce jour, c’est le flou artistique médiatique. Les liens entre la famille Bush et l’Arabie Saoudite, aucun média n’en a parlé, (c’était peut-être pas important). Sauf que ça va loin, très loin (voir le film). Par moments j’ai halluciné ! Ils sont dedans jusqu’au cou, heureusement qu’ils s’appellent Bush, un nom prestigieux ça peut sauver de tout. Autre point fort du film, j’ai vu Ground Zéro pour la première fois de ma vie. J’ai vu la « vérité ». Tout le monde a montré le cliché spectaculaire d’avions qui rentrent dans des tours. Ça a fait le tour du monde aller-retour. Tout le monde a fait du sensationnel. Moore lui ne montre rien :
Des regards ahuris, effrayés, perdus. Des gens qui regardent un ciel devenu tout gris, de la cendre qui tombe, un peu de poussière, des bout de papier qui flottent dans l’air. La totale caméra subjective qui nous met au cœur de l’évènement à NY. Et on voit des gens comme vous et moi, et on se dit que quelque chose de grave vient de se passer. Je ressens enfin ce que les gens ont ressentis à NY ce jour-là. Meilleure réponse cinématographique sur la terreur et l’incroyable et comment le montrer. Et ça continu avec la quête de la vérité. (On ne sait trop pourquoi, Michael croit toujours à ce qu’on appelle la vérité). Sauf que beaucoup lui ont reprochés dans cette fameuse quête qu’est Fahrenheit 9/11 d’être à charge donc anti Bush.
Qu’il soit antirépublicain Moore, je m’en fous, je suis pas américain. Et en plus, il me semble que c’étaient eux qui étaient au pouvoir, en responsabilité à l’époque, donc… Michael traque les fausses infos avec humour, de nos jours on dirait fake news. Il aboutit à la conclusion (logique) que nous sommes entre les pattes d’un gigantesque complexe militaro industriel qui a des entrées et sorties partout, et surtout dans les arcanes du pouvoir ; avec la complicité des médias qui appartiennent aux premiers cités, d’où la relative complaisance des journalistes dits « officiels » sur le sujet, sans oublier la complicité du peuple américain l’idiot utile de l’équation abruti par des distractions et la TV, est-il utile de le préciser.
On aboutit à des scènes tragi-comiques ; comme celles de la mère américaine qui pleure son fils mort en Irak, mise en parallèle avec celle de la mère irakienne qui pleure son fils mort lors de l’invasion américaine, (assez musclée l’intervention). La mère américaine va demander des comptes à qui de droit, (l’administration de son pays, son gouvernement), et elle se fait engueuler par des passants qui l’a traitent de terroriste. Le monde à l’envers !
Welcome to America. Il y en a plein comme ça. Des anecdotes pas drôles, mais tellement stupides car vraies qu’elles deviennent drôles à force. Le député américain qui prône la guerre en Irak, mais qui s’arrange en coulisses pour que son fils soit exempté. LOL. Les jeunes afro-américains du ghetto qui voient l’état de l’Irak après l’invasion, et qui avouent naïvement que ça ressemble à leur quartier. « Ça ressemble à chez nous ! » Des bâtiments en ruines, des routes défoncées, des patrouilles de police, (patrouilles de GI). Leur quartier a été abandonné, au nom de la « guerre » économique, la seconde guerre du Golfe, une très mauvaise « blague » américaine qui a fait d’un pays lointain que peu d’américains arriveraient à situer sur une carte un sous-protectorat américain, un nouveau ghetto dans le sable du désert. Le serpent se mord la queue, comme s’il fallait une autre guerre pour mettre fin à la guerre. M nous décrit ce qu’est devenu le monde « moderne » en fait, ou postmoderne, la tête à l’envers. Et ça fait peur.
Fahrenheit 9/11 c’est aussi un film sur l’Art du portrait. Plusieurs portraits pas très flatteurs d’ailleurs, et c’est aussi ça l’Art du portrait ; montrer ce qu’on ne veut pas voir, démasquer, toucher à une certaine « vérité », finalement il touche à la vérité Michael, par les portraits.
Donc toutes les bêtises que disent ces gens, ces politiques, ces décideurs, cette élite, ces militaires sont vraies ? Rien n’est sur-joué c’est que des images d’archives. Des énormes conflits d’intérêts passés sous silence, (ça sent un peu la merde tout ça). Les élus qui servent des intérêts privés avant tout ; et le citoyen bête qui laisse faire. Non. On ne peut être bête à ce point là. Bête et complice, les deux. Et ça, ça fait peur ça aussi. NDLA, je vous rappelle qu’on est aux USA, première puissance mondiale, et qu’ils n’ont toujours pas trouvés les terribles(!) armes de destructions massives qu’ils étaient allé chercher. Ils ont arrêté de les chercher. Elles doivent être bien cachées. Ou alors il n’y en avait pas, tout simplement. Menteur Menteur. Voici le film à voir de Michael Moore, encore plus fort que The Big One. Il arrive au bout de son système docu-satirique avec brio. Le portrait de Bush en visite dans la salle de classe. Son visage avant, puis après la nouvelle qu’on lui chuchote à l’oreille. Son effort pour masquer ses émotions. Il reste sans rien dire… On aimerait savoir ce que le gars lui a dit à l’oreille ce fameux 11 septembre, mais on ne saura rien. Un grand portrait. Bush malgré tout ce qu’on sait, qu’on a déjà vu, garde un peu de mystère. Ceux qui parlent de pamphlet anti Bush après ça…
La meilleure palme de ces dernières années, je disais donc. Aucune ne peut rivaliser face à un brûlot pareil. Godard a eut beau gueuler, il l’a eut bien profond, déjà il n’a pas la palme lui, et ça, ça le fait chier Jean-Luc. C’est dur Jean-Luc, je sais. Aucune fiction ne peut détenir cette part de tarte de réalité sortie du four appelée « vérité », et lancée en pleine gueule comme ça, « ciné-vérité » la réalité étant toujours plus forte que la fiction. L’ambition est énorme. Un documentaire palme d’or, chapeau à Tarentino et son jury pour leur audace, car il n’y a pas de demi-mesure ici.
Soit tout ce qui est dit est vrai, et dans ce cas Georges Bush devrait être en prison, soit tout ce qui est dit est faux, et dans ce cas là, c’est Michael Moore qui devrait être en prison. Donc nous sommes dans une impasse, cinématographique, idéologique, politique, morale, et la palme met tout le monde d’accord. Il transforme l’aveu d’échec postmoderne en essai sociologique, et transforme l’essai en œuvre d’art à part entière. Qui dit mieux ?

Angie_Eklespri
9
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le 29 juin 2021

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Angie_Eklespri

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