Un film qui prend son temps pour à peu près tout. Pour présenter son personnage principal interprété par le célébrissime Choi Min-sik, petit mafieux sur le retour après un séjour en prison. Pour introduire la deuxième protagoniste (Cecilia Cheung), qui ne déboulera dans le référentiel qu'au bout d'une bonne demi-heure. Pour tisser la toile très particulière de leur rapport, qui inclut mariage arrangé et relations quasiment inexistantes entre mari et femme. Pour établir les différentes temporalités d'un récit qui jongle très harmonieusement entre plusieurs époques. Et finalement pour asséner le venin triste d'une tragédie qui aura pris l'intégralité du film pour gonfler et exploser à la toute fin.
En toute sincérité je pense qu'il y a quelque chose d'artificiel et froid dans la façon dont la distance est imposée entre les deux personnages, mais il est bien inutile de lutter, la romance tragique à retardement a totalement fonctionné chez moi. Au début on pense naviguer en territoire connu, on voit bien le portrait composé par Choi Min-sik dans le rôle d'une énième truand coréen (alors qu'il est plutôt au début de sa carrière à l'époque, quelques années avant Old Boy), mais ce ne sera qu'un leurre. D'abord on s'attache à décrire son impuissance à retrouver un respect fané, un passé auquel il s'accroche mais qui semble manifestement révolu, on voit bien les relations toxiques qu'il entretient avec son boss, et au moment où il s'apprêtait à replonger pour 10 ans, l'annonce de la mort de sa femme qu'il n'aura jamais connue le frappe comme la foudre. Pas immédiatement, mais l'effet n'en sera que décuplé.
C'est en remontant le fil de sa mémoire, en retournant auprès de sa dépouille, qu'il effectuera son voyage existentiel. Elle, immigrée chinoise contrainte au travail acharné, n'avait qu'une photo de lui, et l'aura attendu toute sa vie, en lui écrivant des lettres. Il ne se seront jamais vus, seulement deux tentatives avortées, tout juste le temps d'apercevoir un visage derrière une vitre ou à travers une porte entrouverte. Failan pourrait ainsi se résumer à une histoire d'amour reliant deux amants qui ne se sont jamais rencontrés, au gré de deux récits évoluant dans deux repères temporels disjoints. Et on peut reconnaître à Song Hae-seong (réalisateur et co-scénariste) un certain talent dans la confection d'un rapprochement entre deux êtres aussi éloignés, l'un mort-vivant, l'autre morte depuis longtemps.
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