Le machiavélique Exit Through The Gift Shop se construit sur une trame ingénieusement tissée : prenez du réel, des images d'archive et de vrais artistes... Faites mijoter quelque temps, puis utilisez un artefact fidèle et quelques ingrédients mystère que vous glisserez méthodiquement mais surement, dans cet embrouillamini d'images... Faites de tout cela un grand bordel méthodique, sorte de grand pochoir (n'oubliez pas bien-sur de dire en passant que Banksy est génial) - et mélangez bien le tout.

Cela donne quelque chose d'amusant, d'aussi instructif qu'étrange, et c'est ici que les vrais SPOILERS pointent le bout de leur nez.

Car il est indéniable que la trame du film est en majeure partie vraie, et que le reste est de la mise en scène et de l'enrobage facétieux... Quelques recherches, ici et là, une connaissance moyenne en street-art confirment une grande part de la véracité de beaucoup d'aspects abordés ici. Mais à vrai dire, c'est quoi cette façon de regarder? Suis-je biographe, historien, et pourquoi parler de vrai? C'est quoi cette manie de tout renvoyer au réel? Voilà l'idée : ce qui compte dans Exit Through The Gift Shop, ce n'est pas tant la véracité que recherche celui qui regarde un documentaire, que le fictif qu'apprécie celui qui regarde du cinéma. Que celui qui souhaite s'intéresser au street-art, nous dit Banksy, lise donc des vrais livres sur le street-art. Car il ne trouvera rien dans une œuvre isolée ; l'utilisation qui est ici faite du réel, cherchant à grand coup de spatules à mélanger nos perceptions, vectorise avec un amusement guignolesque notre regard dans une mauvaise direction. Le réel est véritablement au service de la tromperie pour nous ébranler voire choquer, et faire passer un message.

Quoique. Un message...S'il y en a. Car la blague (une de plus), je crois, c'est que Banksy s'en balance. Il surfe lui-même sur l'aspect bancable de l'art, et ce trait est trop appuyé dans la fin d'Exit, il en fait même des coulures trop larges, bien cradoques, pour être moins qu'involontaires. Banksy se fout de nous, quoi : il transforme juste ce qu'il faut pour "mystifier" le street-art et surtout sa propre personne. Regardez les passages ou notre homme-clown-caméra lève les les bras au ciel, les yeux dans les étoiles, quand il relate avec son accent à couper au couteau la première rencontre avec son maître. Une bigote franchouillarde à demi-saoule n'aurait fait mieux devant son petit jésus un jour de miracle. Exit, c'est un panégyrique déguisé, un éloge gratos d'un artiste qui dit au monde : "regardez-moi", "et si vous n'y comprenez rien, regardez moi quand même je suis génial", et qui se fout pas mal de notre trogne.

Et que pouvait-il faire de mieux de la façon dont on doit appréhender sa personne, lui qui est déjà une sorte de mythe du street-art? Est-ce faire autre chose que son travail dans les rues, souvent percutant, provoquant?...Tout finalement est création de Banksy dans ce film, du moins réutilisation savante... La seule chose qu'il est vraiment difficile à percevoir dans ce trompe l'œil, et c'est là que les choses se compliquent et font l'intérêt de l'exercice, c'est bien le personnage central de MBW. Il y a clairement ici un personnage "fabriqué". Mais dans quelle mesure et jusqu'à quel point, c'est là que le documentaire est absolument fabuleux intéressant, et l'on peut avancer beaucoup d'explications, dont les présupposés peuvent vite devenir assez vertigineux...

Bref, pas besoin d'une critique trop longuette pour vous dire que cette œuvre est percutante et géniale : on sait que c'est du cinéma ; on peut pas s'empêcher de se prendre la tête pour démêler le vrai du faux et penser rapidement à la revoir, comme si un enseignement était vraiment tapi là, et qu'il fallait vraiment entreprendre le décryptage. Bizarre pochoir... Et pari réussi pour cette grosse blague de Banksy.
Zaul
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le 18 avr. 2011

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Zaul

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