Kevin Malone, Dunder Mifflin, Scrampton Branch.
Cette phrase épiphanique prononcée par l'esthète en chef (comptable de son état) de l'entreprise de papier de la série "The Office", résume à elle seule l'étendue de la simplicité de notre héros du jour : Mr Brainwash.
Mr Brainwash c'est ce frenchy mégalomane, autoproclamé grapheur de génie après avoir longtemps vécu dans l'ombre de ses idoles américaines et britanniques, et qui signa son manifeste par une exposition retentissante à L.A. en 2008.
L'élève dépassant le maître, Icare s'approchant du soleil, un imposteur opportuniste cradingue mais astucieux, c'est selon. N'empêche le personnage peut être attachant. Déjà parce qu'il revêt avant l'heure l'habit (devenu aujourd'hui comble de la mode) du geek autocentré avec sa dose de sociopathie (#abednadir). Ensuite parce qu'il est vrai qu'il n'y a rien de plus cool que de suivre des grapheurs parcourir les toits pour planter le petit drapeau de leur révolte.
Mais une fois passée la première partie du documentaire, Thierry Guetta (c'est son nom), révèle son vrai visage. Celui d'un gars paumé qui veut se voir plus grand que le beuf. Qui cherche à montrer par la notoriété que lui aussi a du talent. Son discours ? Le même que Kevin.
Ce qui est marrant, c'est de voir les copains de Mr Brainwash un peu perdus face à son succès, carrément gênés de parler de lui, n'osant pas le traiter de social-traitre, lui reconnaissant même quelques qualités... Alors que le type a finalement montré, et avec leur naïf soutien qui plus est, la plus hideuse facette de leur art.
Que révèle le fait que ce film ait été réalisé par Banksy, l'une des idoles les plus entourées de mystère (elles se font rares aujourd'hui) de notre époque ?
L'air de pas y toucher, Banksy se pose en radicale opposition avec son sujet : discret face au clinquant, humble face à l'égocentrique, travailleur face au fainéant, animé de valeurs morales face au dévoiement du Grand Capital, original face à l'imposture. Pour autant, on ne peut s'empêcher de penser que ce qu'il dépeint comme une monographie objective n'est en réalité - et seulement en partie il est vrai - qu'un coup de pub cynique pour glorifier sa chapelle.
En définitive, ce film nous en apprend autant, sinon plus, sur la stupidité du genre humain et les rouages du capitalisme que sur l'art des grapheurs. Et avec tout le respect (et il est fort) que j'ai pour Banksy, tel est sans doute pris qui croyait prendre.
PS : Je vous renvoie au très bon mais très désabusé morceau de Rocé sur la question du jeu social entre amis : Amitié et amertume.