Depardon suit la brigade de policiers du Ve arrondissement, au début des années 1980. Caméra discrète, qui aime bien cerner un personnage entre les silhouettes de deux autres, ou improviser des compositions comme l'alignement des képis en contre-plongée de flics attendant dans une cage d'escalier qu'un quatrième obtienne qu'on leur ouvre la porte.
Une collection d'instants, sans dramatisation apparente, mais qui permet finalement de devenir familier des flics de cette brigade. Pas mal de barjos parisiens aux histoires erratiques ; une allumée de Saint-Germain des Prés qui a eu une embrouille avec une brasserie ; un suicide réussi de jeune fille ; un contre-interrogatoire qui démasque laborieusement une jeune femme qui a essayé d'accuser son ex de viol pour se venger, une cambrioleuse roumaine habituée du commissariat, qui dissimule mal un sourire plein de malice ; des jeunes femmes emmerdées par des sociopathes ; un squat de marginaux ; beaucoup de cages d'escalier.
Une autre époque. Où l'on commence juste à parler d'immigration, déjà liée au thème de la délinquance. Où les flics patrouillent en van avec la porte ouverte. Où les propos sont parfois sacrément politiquement incorrects. Où les flics parlent avec les gens, et essaient dans leur dégaine d'imiter plutôt Steve McQueen que Vin Diesel.
C'est pas mal. Il y a un côté didactique, bien sûr. Evidemment, le propos l'emporte de loin sur l'esthétique, qui se veut brut, sans médiation. Depardon essaie que la présence de la caméra n'influe pas sur son observation, et n'y arrive pas toujours, mais la plupart du temps. Il y a une ou deux fois où je n'ai pas compris pourquoi il insistait autant sur un moment vécu, mais bon.