Requiem for a screen.
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Falstaff est à la fois touchant et intéressant à plus d'un titre, et sans doute qu'il faudrait un nouveau visionnage pour l'apprécier à sa juste valeur, de manière intrinsèque, pour ce qu'il est réellement et non pour ce qu'il représente de prime abord. Difficile de ne pas voir Orson Welles lui-même derrière ce personnage opulent, gouailleur et blagueur. Et difficile de ne pas ressentir le profond amour que Welles voue à l'œuvre de Shakespeare, en y revenant pour la troisième fois (au moins) après Othello en 1952 et Macbeth en 1948. Ce dernier est à mon sens le plus flamboyant et le plus excentrique (bien qu'Orson revête une coiffe encore une fois surprenante : après le tabouret en guise de couronne, voilà le tour de la casserole), mais Falstaff est rempli d'une tendresse très surprenante, teintée d'une amertume puissante délivrée au cours de la dernière partie et de sa conclusion.
Petit aparté technique, je n'ai pas pu m'empêcher de constater que Welles, déjà ici au début de la seconde moitié de sa filmographie, s'adonnait aux joies d'un montage un peu frénétique, notamment lors de la bataille de la dernière partie, où les plans s'enchaînent à vive allure, sur fond d'épées qui s'entrechoquent et de boue brumeuse. Comme un avant-goût de ce qu'il poussera à l'extrême, pendant plus de deux heures, dans The Other Side of the Wind récemment (re)monté et diffusé par la machine Netflix.
Retour à Shakespeare, donc, et à un texte magnifique qui invite grandement à être approfondi (et qui, accessoirement, oblige parfois à opter pour des sous-titres français tant le style est châtié). Plusieurs épisodes de la vie truculente du personnage éponyme, personnage secondaire en théorie mais principal ici, grand buveur de vin, grand amateur de victuailles en tous genres, grand raconteur de fadaises joviales à la limite de la bouffonnerie. On ne s'en rend pas compte au début du film, particulièrement chargé et presque difficile d'accès dans la façon dont il pose l'ambiance et le contexte, mais tout le film tourne autour du maître qui tente d'enseigner une leçon d'humanisme à son fils spirituel. Tentative qui se révélera vaine devant la raison d'état, le moment venu pour le prince Hal / Henry V de monter sur le trône et de renier ses amitiés passées.
Dans le dernier segment, la tristesse de Falstaff au cœur meurtri par la trahison, la solitude dans laquelle il se retrouve enfermé, sont bouleversantes. Welles cinéaste et Welles acteur se confondent sous l'armure et la bedaine (qu'on imagine à peine exagérée, un vrai Gargantua) également imposantes, comme un autoportrait plutôt humble, plein de dérision et de mélancolie. À l'image de la tirade existentielle qui donne son nom au titre original : "we have heard the chimes at midnight".
http://www.je-mattarde.com/index.php?post/Falstaff-d-Orson-Welles-1965
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Créée
le 22 janv. 2019
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