Un des tout premiers films de Jodorowsky, et il est franchement bien barge et dramatique (beaucoup plus que Santa Sangre ou La Danza de la Realidad). Fando et Lis, c'est l'histoire de deux adultes maltraités dans leurs jeunesses et fuyant leur cité en ruine pour atteindre Tar, ville imaginaire supposée exaucer les vœux et tout arranger.
On sait que Lis a été estropié par des artistes louches dans son enfance, c'est donc son amant Fando qui la transporte en chariot puisqu'elle ne peut pas marcher. Autant Fando a l'air sympathique au premier abord, autant on ne sait pas grand chose de lui en même temps. Si ce n'est qu'il dit aimer Lis d'un amour romantique puis sexuel.
Si Jodorowsky essaye d'expliquer certaines scènes, mésaventures et émotions des héros via le symbolisme et y arrive la majorité du temps, cependant la surabondance de symbolisme rend parfois le tout assez confus. Exemples de scènes inexpliquées voire inexplicables :
Par exemple, c'était quoi cette scène où un prêtre boit le lait d'une grosse et devient tout fou, tout joyeux ? Ou encore celle avec des mangeurs qui ont des entonnoirs sur la tête ? J'ai compris presque toutes les scènes "graphiquement folles" sauf celles-là.
Pour en revenir à Fando, ce personnage semble attachant au début, mais on voit vite que sa relation avec Lis est très compliquée voire est de l'amour/haine.
Et quand il se laisse aller à la haine et maltraite Lis pour des broutilles (il l'accuse d'être un boulet, de pleurer tout le temps mais lui-seul contribue à son malheur et au sien), on perd automatiquement toute sympathie pour lui.
Fort heureusement, si Jodorowsky nous explique les malheurs d'enfance pour expliquer le comportement de Fando, il en profite aussi pour lui donner la punition qu'il mérite. Il fait, genre :
"Alors comme ça, tu accuse Lis de tous les maux et tu l'abandonne au milieu de nulle part alors qu'elle ne peut pas marcher ? ... Et ben, tiens ! Une bande de femmes dominatrices va t'agresser à coups de poires au sirop, de boules de bowling et de fouet pour symboliser ta culpabilité et servir de souvenir introspectif te rappelant que ton père était un homme volage te délaissant toi et ta mère ! Ça t'apprendra, petit con !"
Une fois ce souvenir douloureux passé, Fando semble avoir compris la leçon et commence à mieux aimer et respecter Lis. Et le film arrive à illustrer tout ça en mélangeant le noir et blanc, le comique et le dramatique avec plus ou de brio et de bizarre. Jodorowsky a également tourné le film majoritairement dans une montagne sec des Andes, donnant au paysage un caractère mi-apocalyptique mi-introspectif.
Encore une fois, la relation entre les deux héros évolue et est expliquée assez bizarrement :
Des travestis dansent autour de Fando et Lis, puis habillent Fando en femme et Lis en homme. Comme Fando souriait en les voyant, je croyais qu'il était homosexuel, d'autant que certains symboles (dont des anguilles violant une poupée, scène qui le répugne) suggéraient qu'il ne voulait pas coucher avec Lis mais juste l'aimer. Sauf que même travesti, il aime toujours Lis sans pour autant repousser (ni suivre) les travestis.
Peut-être que la scène symbolisait l'épanouissement sexuel voulu entre les deux amants, puis qu'après ces derniers s'imaginent noircir de peinture une salle immaculée de blanc...
Sinon, alors qu'on pensait que Fando avait appris la leçon et aimait vraiment Lis, d'autant qu'il dit cela à lui-même :
C'est quand j'ai voulu me séparer d'elle que j'ai compris que nous étions un seul corps à deux têtes.
... Et ben, malheureusement Fando retombe dans un cercle vicieux qui faisait pourtant espérer qu'il en ressortirait à nouveau grandi : il tombe sur sa mère (ou ce qu'il croit être sa mère) et est confrontée à elle.
On apprend qu'elle était chef de secte quand le héros était jeune, et qu'elle a fait tuer son père par ses intégristes par jalousie. Un peu comme dans Santa Sangre. Elle a d'ailleurs fait sortir un petit oiseau de son bide (symbole de son âme). Fando a donc tué sa mère sur demande de cette dernière, lui crache dessus avant de réparer ce geste et de représenter sa mère en femme normale - une façon de désacraliser sa mère tout en lui pardonnant.
Fando en ressort alors plus heureux, grandi semble-t-il et retourne chercher Lis. On pense qu'ils vont atteindre Tar tous les deux ou la fonder... Sauf que Fando refait son sale con envers Lis pour des broutilles à deux balles :
Il veut alors "partager" Lis avec trois hommes venu des montagnes désertiques. Mais ceux-ci s'éloignent quand il leur dit qu'elle est sa fiancée. Fando s'énerve et accuse Lis d'être "responsable". Plus tard, il décide de la menotter pour faire l'amour avec elle sans son consentement. Et comme vous vous en doutez, il se passe exactement donc Lis avait prédit :
Lis, pour se défendre, casse le tambour de Fando par accident. Celui s'énerve car il y tenait beaucoup et entre dans une colère noire. Lis sait ce qui l'attend :
Non, Fando ! Ne me frappe pas ! Ne me donne pas de coups de pieds ! Ne me tue pas !
ou encore :
- Lis : Quand je mourrais, on m'enterra et personne ne souviendra de moi.
- Fando : Non, Lis. Je viendrais sur ta tombe avec une fleur et un chien et je chanterais pour toi.
Et évidemment, Fando tue Lis en la frappant à terre tout ça pour son tambour, alors qu'il a passé son temps à être vache sans raison avec elle en la traitant comme un boulet. Alors que le seul boulet dans l'histoire, c'est Fando - ne comprenant que trop tard qu'il forme qu'un seul corps à deux têtes avec Lis, et que quand on tue une des têtes, l'autre ne peut pas survivre sans elle et meurt à son tour. Il se rend donc près de sa sépulture avec une fleur et un chien. Fando meurt donc près de sa tombe, seul, triste, regrettant d'avoir tué Lis et rêvant une dernière fois de l'aimer.
J'étais un peu frustré suite aux comportements de Fando à l'égard de Lis (comme je l'étais en voyant la fin d'Eden Lake), mais même Jodorowsky estime que les brutes à l'enfance malheureuse n'ont pas le droit de maltraiter leurs proches en retour. Mais certes une fin triste, mais Fando a eu ce qu'il méritait. Trop tard pour arriver à Tar et y décrocher le bonheur.
Car il y a des fois où le bonheur se mérite, même un film aussi bizarre et sujet à interprétation que Fando et Lis peut nous le faire comprendre.