Fanfan la Tulipe par Alligator
Sept 2009:
Gros plaisir ce soir grâce à un travail encore une fois somptueux de Criterion en dernier échelon du dvd. La photographie est tèrs bien rendue. La netteté impeccable rend alors un hommage grandiloquent à la beauté de Gina Lollobrigida, beauté pas seulement pulmonaire car l'italienne éclaire par son naturel et sa simplicité des plans qui auraient pu être anodins. Elle campe une Adeline à la fois forte, altière, intelligente mais aussi douce, amoureuse, craintive et apeurée. Quel dommage que cette post-synchronisation vienne un peu gâcher le joli gateau qu'elle nous offre là.
Bien entendu, le comédien qui impressionne le plus est cet incroyable Gérard Philipe. Je parlais plus haut de "naturel" pour Gina, mais quel vocable utiliser alors pour décrire le jeu de ce comédien de génie, plein d'intentions et de rythme que l'on ne peut croire joué tant ils sont ajustés au plus près et exprimés comme on respire. Ce type est extraordinaire! Je reprendrais volontiers les paroles de Monsieur Saroyan : "il m'épate, il m'épate, il m'épate!" Mais ce duo amoureux ne serait certainement pas aussi scintillant s'il n'avait pas été contrarié pour un troisième larron, d'un burlesque consommé et d'une puissance comique physique hors du commun : Noël Roquevert use à bon escient de son faciès grotesque, avec des billes rondes à la place des yeux, une forme de visage pleine d'angles et de saillies, des bacchantes qui accentuent l'épaisseur de ses traits. Un de ses meilleurs rôles à ma connaissance. Il est en tout point excellent : bête, méchant et laid à souhait.
Fort heureusement, le film ne se contente pas donner scène à une belle distribution. Christian-Jaque, un très grand réalisateur français, à qui l'on devrait dresser des couronnes plus souvent, livre ici un très joli film. Sa réalisation sans esbrouffe, mais dopée par un montage assez nerveux sur les scènes d'action, tient bien mieux que la route. Quelques délicieux travellings (celui de l'apparition de Lollobrigida est divin), de très jolis cadres d'exposition, une alternance de différents plans pour donner à ses scènes une richesse presque subliminale et surtout une attention toujours soutenue à filmer ses comédiens, ce qu'ils donnent dans l'émotion au plus près sans systématiquement abuser du gros plan. Christian-Jaque est un cinéaste du "sans en avoir l'air". Efficacité et simplicité..
La photographie de Christian Matras, même si elle n'a rien d'exceptionnel, est parfois très belle. Surtout elle est une nouvelle fois superbement reconstituée par le dvd Criterion (scusez la redite mais c'est toujours un délice pour les yeux).
En fin de compte, à l'heure de faire les comptes des grands plaisirs que le film m'a procurés, je me demande si ce sont pas le scénario de Fallet, Jeanson, Christian-Jaque et Wheeler ainsi que les dialogues de Jeanson (tout seul comme un grand) qui dominent le podium. L'histoire avec ses atours aventureux et presque mythiques -la bravoure de Fanfan est plus qu'héroïque, elle manifeste un état d'esprit rafraichissant et d'un optimisme sans borne- l'histoire disais-je, recèle une part d'humour absurde et subversif. Les dialogues et les personnages font preuve d'une malice des plus réjouissantes. Faisant feu de tout bois, les propos d'un antimilitarisme acerbe ou les comportements hédonistes de Fanfan professent une liberté de ton et une foi en l'homme qui font aujourd'hui encore un bien fou et ressourçant. J'ai utilisé le terme "rafraichissant" tout à l'heure. J'ai envie de récidiver encore et encore quand je pense à ce film. Fanfan est le film rafraichissant par excellence.