Version courte
Oeuvre imposante, largement autobiographique, Fanny et Alexandre est généralement considéré comme la perle de son auteur. Je l'ai vu dans sa version cinéma, ce qui, à en lire les critiques, fut une lourde erreur : l'une des plumes de SC affirme même que la version de 5h paraît... moins longue.
C'est certain, Bergman prend son temps. Il va nous proposer trois décors, correspondant à trois thèmes de la vie d'Alexandre - car c'est de lui qu'il est essentiellement question.
La grande maison familiale d'abord, cossue, joyeuse, chargée à l'extrême de tentures, de meubles, de bibelots... Dans le prologue, Alexandre la parcourt seul, mettant en oeuvre son imagination. Car Alexandre est un démiurge, et ce n'est pas pour rien que le film s'ouvre sur un théâtre de poche, éclairé par des bougies, qu'il anime de statuettes. On le verra ensuite jouer avec une lanterne magique, un automate, puis inventer des histoires.Toute la famille va ensuite débarquer, et l'on va s'attarder sur les trois fils de la matriarche, Helena : Carl, le dépressif, aux prises avec des problèmes d'argent, qui, comme tous les dépressifs, peut se révéler un clown qui amuse les enfants ; Gustav Adolf, le libidineux qui saute sur tout ce qui bouge, notamment le personnel de maison, avec l'assentiment complaisant de sa femme, mais se révèle bien piètre amant (avec Maj, "la fusée part trop tôt" et avec son épouse Alma il a des problèmes d'érection) ; et enfin Oscar, le père d'Alexandre, le doux et sensible saltimbanque, qui va mourir dans une scène terrible où il dit adieu à ses deux enfants. L'argent, le sexe, l'art : trois thèmes qui planent sur la chronique que nous compte Bergman.
Au chatoiement intense de la première partie succède l'austérité glaciale du second lieu, la demeure d'Edvard, l'évêque. Les murs sont blancs et nus. Un peu comme la longue scène de noce de Voyage au bout de l'enfer préparait à la guerre au Vietnam, la nuitée joyeuse de Noël fait ressortir la rigueur brutale de la nouvelle vie de Fanny et Alexandre. Dès la scène où Edvard apparaît, faisant avouer à Alexandre son mensonge, on pressent la violence qu'il va exercer. Celle-ci se confirmera dans l'extraordinaire séquence de la férule, filmée hors champ, la violence se liant sur les seuls visages de Fanny, de Justina, de Henrietta. Après le traumatisme de la mort d'Oscar, évoquée par un terrible râle de douleur, Emelie, que l'on avait jusque là à peine remarquée, va en effet tomber dans les bras de cet homme dur mais charismatique, qui incarne l'exact opposé de son ancien époux : alors que jusqu'ici Emelie avait mille visages changeants, Edvard lui propose d'accéder à la vérité, unique et intangible. Ici s'affrontent l'absolu et le relatif : Edvard voit en Dieu un absolu monolithique, alors qu'Emelie en a une perception kaléidoscopique, sans cesse mouvante, à l'image de cette phrase lancée par sa grand-mère :
Tout est possible. Le temps et l’espace n’existent pas. Sur une mince couche de réalité, l’imagination ne cesse de tisser et dénouer ses motifs.
Alexandre est bien de ce côté-là, et ses mensonges ne visent qu'à échapper à l'étouffante étreinte de cette vision dogmatique. Grâce au vieil allié Isak (qui donne lieu à une sèche dénonciation de l'antisémitisme protestant), Alexandre parvient à s'enfuir et se retrouve dans la maison du vieux Juif, un capharnaüm merveilleux. Au milieu des marionnettes, Dieu lui-même apparaît, mais ce n'était qu'illusion. Un peu plus tard, c'est l'androgyne Ismaël qui va le libérer de l'emprise du redoutable évêque.
Enfin presque : car son fantôme rôdera toujours, de même que la figure douce mais inutile de son père Oscar. On sait que le père de Bergman, un pasteur, était proche d'Edvard. Bergman nous dit donc ici que si l'art seul peut nous libérer de nos démons, leur ombre continue de nous hanter, comme le Spectre de Hamlet.
Et Fanny dans tout cela ? Elle est touchante au possible, car elle ne parle pas. Contrairement au rebelle Alexandre, elle encaisse. Pourtant, Bergman nous suggère par le titre qu'elle est tout aussi importante qu'Alexandre.
Tout cela est d'une grande richesse, que nous n'avons sans doute ici qu'effleurée. Il faudrait évoquer aussi la subtilité des raccords (passage d'un lieu à l'autre avec une quasi superposition des images), le soin apporté aux costumes, aux couleurs (le rouge omniprésent dans la première partie, auquel succède le blanc). Alors il y a tout de même quelques longueurs, comme le banquet final avec le discours interminable de Gustav Adolf, qui m'a fort peu intéressé. Pas mal de scènes avec la matriarche Helena aussi, que j'ai trouvé longuettes. Et on comprend mal le long moment consacré à Carl dans la première partie, qu'on perd de vue ensuite. Un effet de la version courte ?
Il faut que je voie la longue.
7,5 pour la version courte
C'est fait !... A version longue, critique longue ! Jamais fait aussi long je crois. Ce doit être mérité... Bon, je ne m'attends pas à être beaucoup lu en tout cas... Peu importe.
Version longue
Prologue
La version longue épanouit ce merveilleux prologue. Alexandre est seul dans la maison, qui devient un lieu d'enchantement. Quittant un petit théâtre éclairé par des bougies, dont il anime les figurines, il est à l'affut du moindre bruit et laisse son imagination transformer le capharnaüm qu'est cette riche maison en lieu d'enchantement : une horloge qui sonne, une statue qui semble se mettre en branle comme un automate, un rat dans sa cage, dont les yeux renverront plus tard à celui du nounours-doudou qui ne le quitte pas, car Alexandre a nettement encore un pied dans l'enfance. Derrière une plante verte, la pointe d'une faux : la mort, omniprésente dans le film, est déjà annoncée. Une domestique versant du charbon dans le poêle vient rompre le charme. L'épopée peut vraiment commencer.
Alexandre est un démiurge, il représente la part d'enfance que Bergman a toujours revendiquée, avec sa naïveté et son goût pour le merveilleux. On le retrouvera à maintes reprises dans le film, comme dans la scène où il se relève pour faire fonctionner sa lanterne magique et qu'il improvise une histoire effrayante pour captiver sa soeur et ses cousins.
Acte 1 : Noël chez la famille Ekdahl
Cet acte s'ouvre sur le théâtre, où se joue la nativité. Celui qui a vu la version courte reconnaîtra le terrible Edvard parmi les spectateurs, accompagné de ses "femmes". D'emblée, Bergman montre l'atmosphère religieuse qui nimbe la fête de Noël (chose largement perdue aujourd'hui, excepté chez les familles très catholiques). Il insistera sur le sujet, avec la scène où l'évangile est lu par Oscar à toute la famille, dans le plus grand recueillement, et avec la prière obligatoire - très mécanique ! - pour les enfants. Pour l'heure, le dépouillement qui caractérise la scène de la crèche, ainsi que le discours d'Oscar, empreint d'une grande simplicité, vont contraster avec la débauche - certes feutrée - qui va suivre dans la maison Ekdahl.
Après que la matriarche Helena a retrouvé son vieil ami-amant Isak (j'aime le coup d'oeil à la caméra, c'est-à-dire au spectateur, avant qu'ils s'embrassent furtivement), toute la famille débarque. Dans ce décor saturé de rouge repris dans les teintes des robes, chargé à outrance de meubles, de tentures, de bibelots, la caméra s'attarde sur les tables débordant de mets délicieux. Discours, chansons et apartés entre les convives alternent. On apprend ainsi que les domestiques, qu'on est surpris de voir à la table familiale, n'apprécient pas forcément ce mélange des classes : chacun doit rester à sa place. Voilà pourquoi la servante faisait la tête ! L'ombre du père disparu apparaît une première fois : c'était un homme épris de justice sociale, audacieux dans ses décisions puisque cette table partagée était son initiative. On apprend aussi lors de ce repas que Gustav Adolf est friand d'amours ancillaires, avec l'assentiment des concernées (de nouveau un signe de docilité des employés de maison)...
S'ensuit une farandole en chantant dans la maison, que la caméra capte avec virtuosité, passant lestement d'une pièce à l'autre. Mais Oscar est obligé de s'arrêter, premier signe inquiétant.
On va bientôt découvrir le facétieux Carl, qui amuse les enfants en jouant les pétomanes ! On le retrouvera touché d'entendre sa femme allemande chanter, souvenir de leurs débuts à Berlin. Et, dans une troisième scène, dont la version longue acquiert une vraie ampleur : Carl s'apitoyant sur sa propre médiocrité, puis humiliant sa femme, évoquant sa sale odeur, sa servilité abjecte, rêvant devant elle d'une femme appétissante. Ironie, quand on se rappelle le jugement d'Helena sur elle, estimant que Carl n'avait pu la choisir que pour des qualités érotiques bien cachées ! La dolante épouse a plutôt des airs de pieta, ou de victime expiatoire.
Plus encore que Carl, Oscar fait les frais de la version courte : coupée entièrement la superbe scène où il émerveille les enfants en magnifiant une simple chaise ! Oscar représenterait-il le père que Bergman aurait aimé avoir ? On sait que le sien fut plus proche d'un Edvard... En tout cas, Oscar apparaît comme un être sensible et bon. Mais nullement intéressé par le sexe, au point que sa femme, Emilie, a pris quelques amants mais avec discrétion, en sauvant les apparences, comme s'en félicitera Helena.
Ce n'est pas le cas de Gustav Adolf, véritable "obsédé", comme le qualifie sa mère. On apprend d'ailleurs à cette occasion que c'était aussi le cas du mari d'Helena, qui pouvait toutefois se montrer compréhensif, même après l'avoir surprise avec Isak ! Dans toute cette première partie, le sexe n'est traité que comme une chose qu'on ne fait pas selon la norme de l'Eglise.
Mais revenons à Gustav Adolf, qui a jeté son dévolu sur la jeune Maj. Celle-ci a encore un pied dans l'enfance, faisant des batailles d'oreiller avec les enfants, s'extasiant d'une belle robe, allant susurrer à l'oreille d'Alexandre qu'il reste "son préféré". Elle est en tout cas fort au goût du libidineux Gustav, même si celui-ci s'avère un piètre amant ("la fusée est partie trop tôt"... en effet, au bout de quelques secondes !). Il lui promet la direction d'une pâtisserie, mais pour Maj ce n'est qu'un jeu : deuxième message disant que, pour les opprimés d'abord, chacun doit rester à sa place... Vexé, surtout de ne pas avoir senti qu'il s'agissait d'un jeu, le riant Gustav retourne à ses appartements, tout d'une sensuelle teinte orange, où il entreprend sa femme, au grand dégoût de sa fille qui entend les cris derrière la porte. Las, il n'est pas plus performant : c'est cette fois l'érection qui semble se défiler. Là encore, le sexe est montré de la façon la plus triviale, sa femme posant sur le lit un oreiller pour se faire enfiler par derrière, comme si elle s'adonnait à l'acte le plus anodin.
L'argent est également évoqué au cours de cette première partie : Carl s'est vu refuser un prêt par sa mère et n'a même plus de quoi se chauffer. On ignore où il brûle tout son argent ? Le film ne donne aucune piste. Premier clin d'oeil à l'antisémitisme protestant, les juifs sont assimilés à des usuriers qui vous saignent à blanc sans scrupule.
La nuit s'achève entre Helena et Isak, qui s'efforce de ne pas s'endormir. J'aime bien la réponse d'Isak à la question, coquette, d'Helena,
- tu trouves que j'ai vieilli ?
- tu as pris de l'âge, c'est vrai
Pour moi, l'une des plus belles répliques du film. Voilà ce que c'est qu'un véritable ami. Car Fanny et Alexandre est aussi un film sur l'amitié.
Un premier acte qui respire la joie, la luxure, le merveilleux, la chaleur des rapports humains... même s'il montre aussi l'envers du décor.
Acte 2 : le Spectre
Fanny et Alexandre est très lié à Hamlet : on apprend déjà dans l'Acte 1 que la pièce est en train d'être montée. Les enfants réclament un rôle de page et Helena déplore qu'Oscar, très fatigué, se soit mis en tête de jouer le Spectre. On peut même se demander jusqu'à quel point tout Fanny et Alexandre n'est pas une pure allégorie d'Hamlet... Idée à creuser, avis aux spécialistes de la pièce, dont je ne suis pas.
Comme l'Acte 1, l'Acte 2 s'ouvre sur le théâtre. On y répète Hamlet donc. Rappelons-nous que la pièce de Shakespeare contient elle-même une "pièce dans la pièce" (nommée Le piège à rats), la mise en abyme est donc ici vertigineuse ! D'autant que cette pièce est jouée devant l'oncle d'Hamlet, le roi qui est incriminé. Et que, pour ce qui est du film, Fanny et Alexandre est, pour Bergman, une façon de "tuer le père"... On a un peu l'impression de se trouver dans une galerie des glaces ici.
Bref ! Oscar et son partenaire occupent la scène pendant qu'en coulisse on s'occupe à jouer aux échecs ou à se bécoter. Tous deux ont un jeu outrageusement théâtral, Bergman recherchant probablement un effet comique, pour contraster avec le drame qui va suivre (dans le making of, Bergman déclare : "il est aussi difficile pour un bon comédien de jouer faux que pour un bon musicien de jouer des fausses notes"). Alexandre observe son père avec intensité : il est question, dans la scène qui se répète, de place usurpée et de vengeance. Grave, comme s'il pressentait ce qui allait advenir. Et en effet, dans l'Acte suivant, chez l'évêque, Emelie dira à son fils : "ne te prends pas pour Hamlet... nous ne sommes pas à Elseneur".
Peu après, Oscar s'effondre et est transporté d'urgence chez lui. La pieta, épouse de Carl, est déjà en pleurs. Fanny et Alexandre jouent sous la garde bienveillante de deux domestiques : avec la scène du timbre à lécher, Bergman annonce la docilité de Fanny, opposée à l'attitude de fuite ou de refus d'Alexandre, qui va se déployer dans la scène suivante. Fanny accourt en effet au chevet de son père, alors qu'Alexandre s'y refuse. Toute cette scène est soudain baignée de jaune, couleur sans doute associée pour Bergman à la maladie (on aperçoit des traînées de bile jaune suintant d'un seau) : porte jaune vif derrière Alma qui les appelle, gros plans sur des objets de cuivre ou d'or. Ce jaune tire parfois vers le vert pâle (la couverture du lit). On emmène de force Alexandre vers son père, gros plan sur sa main qui ne veut pas le lâcher, tout comme le spectre du défunt ne le lâchera pas. Les derniers instants d'Oscar sont pour Emelie, dont le visage est d'une grande pureté, quasiment neutre, indéchiffrable. Etonnante Ewa Fröling ! Comme souvent dans Fanny et Alexandre, Bergman prépare un contraste : peu de temps après en effet, les deux enfants, toujours dans une ambiance très jaune, sont réveillés par des cris qui glacent le sang. Le plan du cercueil aperçu entre deux portes alors qu'Emelie vocifère de douleur est un très grand moment du film : les deux portes font comme un passage vers l'au-delà, et la fixité du mort se heurte aux mouvements violents qui habitent Emelie. La scène est forcément traumatisante pour les deux enfants, qui en auront vu dans la journée...
S'ensuit l'enterrement, que là encore Alexandre essaie de toutes ses forces de fuir : il ne veut pas saluer l'évêque (toujours cette intuition qui habite son âme d'artiste), débite des grossièretés pendant le cortège funèbre. Le noir est bien sûr devenu la couleur dominante. Hommage des institutions : l'Armée, l'Eglise, le Théâtre. Le premier est cérémonieux, le deuxième déjà menaçant, le troisième sensible. Il faut s'attarder un moment sur l'entrevue avec l'évêque, et sur ce très beau plan où Emelie et Edvard sont proches l'un de l'autre tandis que Fanny et Alexandre, en arrière plan, se disent quelque chose à l'oreille et s'amusent. L'enfance tente de résister. Elle le peut encore. La scène est coupée sur la main que porte Edvard sur Emelie, pour la consoler. Il met littéralement "la main sur elle".
Oscar pourtant, comme il l'avait dit agonisant, est toujours là. Il apparaît aux deux enfants jouant du clavecin (on se souvient de sa phrase le soir de Noël : "dommage que nous n'ayons pas un clavecin"). Aux deux enfants, le détail est d'importance car il exclut la piste de l'hallucination, comme celle que l'on voit dans le prologue lorsqu'Alexandre voit une statue s'animer. Le père est bien présent, le spectre est réel. Par cet artifice très simple (Fanny appelant son frère pour lui dire ce qu'elle a aperçu), Bergman donne une grande force à la présence du fantôme du père.
Retour au théâtre. Bien peu de monde pour assister à la représentation, comparé à la première scène, le jour de Noël. Un peu comme les églises chez nous ! Une atmosphère de fin de règne. Et en effet, Emelie va faire son annonce à la troupe : la vie de comédien lui semble trop loin de la vie réelle, elle ne voit plus la vérité nulle part. Elle renonce au théâtre. Cette scène, importante pour comprendre ce qui va pousser la comédienne à se jeter dans les bras d'Edvard, ne figure pas dans la version courte - certes, l'idée est reprise dans le dialogue qui suit le morceau de flûte, mais l'oeuvre est si foisonnante que la redondance ne nuit pas... A la suite d'Emelie, chaque acteur de la troupe quitte la scène en lâchant un mot, sauf le plus âgé qui n'a plus rien à dire. Bel effet, très théâtral précisément. Alexandre reste seul, il fait chavirer une lumière avec son bâton. Bientôt pressé par sa mère qui revient le chercher.
On le retrouve rentrant gaiment de l'école à travers le marché. Au cours du film, les enfants ne grandissent pas et, lorsqu'on voit le soin avec lequel Bergman traite chaque détail, on se dit qu'il s'agit probablement d'un choix délibéré. (Si quelques années ne se voient pas sur les adultes, à l'âge des deux enfants elles transforment les corps.) Bergman veut nous parler de l'enfance éternelle, celle qui reste en nous intacte toute la vie. C'est pourquoi les enfants - les deux héros mais aussi leurs cousins - ne bougent pas alors que le temps passe. Au retour de l'école donc, Alexandre est appelé par sa mère : l'évêque l'attend car l'enfant s'est rendu coupable d'un mensonge.
"Pourquoi ment-on ?", lui demande Edvard à la fois sévère et mielleux. "Pour en tirer profit", répond Alexandre. "Quel profit tires-tu de ce mensonge ?" insiste l'évêque. Et là, Alexandre ne répond pas. Le sait-il lui-même ? En vérité, si j'ose dire, ce mensonge est pour Alexandre une échappatoire : Alexandre ne fait qu'extérioriser sa vie intérieure, en racontant qu'on va l'enlever pour l'emmener dans un cirque. Déjà, sa mère, sous l'emprise de l'évêque, ne comprend plus. La rupture est proche. Et en effet, elle annonce à ses enfants son intention d'épouser Edvard.
Présentation à la famille d'Edvard : sa mère et sa soeur (qui ont l'air d'avoir le même âge : chez les bigots, on est vieux très jeune), les domestiques aux gueules mémorables, la vieille tante alitée qui néglige Emelie mais se concentre sur les deux enfants. Les lieux n'ont pas bougé depuis la nuit des temps, et c'est ce qui plaît à Evdard : on est ici dans le règne de la pureté, de l'immuable, de l'absolu. Précisément ce que recherche l'égarée Emelie. Bergman joue merveilleusement du contraste entre ce très beau décor (cent fois plus à mon goût que la baroque maison Ekdahl en tout cas !) et la menace qu'il représente pour Emelie et ses enfants. Edvard est cultivé, joue fort bien de la flûte. A la douceur de cette flûte va succéder une exigence implacable : alors que les enfants sont endormis, l'évêque pose comme condition à Emelie qu'elle vienne chez lui en abandonnant toute possession antérieure, et de même pour ses enfants. Cela rappelle la parabole du jeune homme riche qui fait tout selon les règles de la religion et qui demande au Christ ce qu'il lui faut faire pour être son disciple. Jésus lui répond : "donne tous tes biens aux pauvres, et suis-moi". Et le jeune homme partit fort triste "car il avait beaucoup de biens". S'ensuit la fameuse phrase : "il est plus facile à un chameau de passer par le chas d'une aiguille qu'à un riche d'entrer dans le royaume des cieux". Edvard se montre donc fidèle à l'évangile, d'une certaine façon. Surtout, il entend façonner Emelie à ce qu'il considère être la juste voie. C'est là que les choses se gâtent pour toutes les religions, de l'Inquisition au jihad...
Pour l'heure, Emelie est tellement en demande d'absolu qu'elle accepte toute condition. Fanny et Alexandre vont en faire les frais.
Acte 3 : la rupture
Après l'eau qui coule, récurrente, le troisième acte s'ouvre sur le mariage, très solennel. Violent pour Alexandre qui, idée superbe, va se jeter de tout son long sur une table, faisant tomber des fruits au sol. La scène s'arrête là-dessus. Puis, chez les Ekdahl, tout le monde voit la petite famille recomposée tourner au coin de la rue, ordonnée, droite comme la justice.
Premier repas au coin du feu à l'évêché, avec des images qui évoquent par leur pureté la peinture d'un Vermeer. Douceur du décor, férocité des échanges : opposition entre le fond et la forme. Ce premier repas donne lieu à une passe d'armes cinglante entre "les femmes" d'Edvard et Emelie - Edvard évite courageusement de prendre parti. Ici Emelie surprend : elle n'entend pas laisser à autrui le soin de dicter à ses enfants leur conduite. Cette scène est importante car elle montre que tout esprit critique, toute lucidité, n'est pas anéantie en Emelie.
C'est bientôt l'heure du coucher et Edvard se retrouve seul avec les deux enfants. Il arrache son livre des mains d'Alexandre qui ne daigne pas lui répondre, découvre son nounours. Alexandre a enfreint la règle de venir "sans rien", mais, surprise, Edvard le lui laisse. J'aime ces deux moments successifs où Bergman évite la caricature : Emelie n'est pas entièrement soumise, et Edvard n'est pas un monstre totalement froid. Puis c'est leur mère qui vient les embrasser. Troisième surprise : Fanny, la docile Fanny, critique violemment Edvard et ses soeurs ! Alexandre refuse de lui dire bonne nuit, d'où la phrase sur Hamlet évoquée plus haut. Un peu plus tard, les deux enfants se relèvent, constatant qu'on ne peut pas ouvrir la fenêtre. Ils sont bien en prison, et le contraste avec les folles farandoles et le merveilleux exubérant de la première partie joue ici à plein.
Acte 4 : les événements de l'été
Un été pluvieux. L'eau qui tombe du ciel imprègne tout ce quatrième acte, dont le montage alterné met en parallèle deux lieux : la maison de Helena Ekdahl et l'évêché.
Dans sa maison, Helena, sur son rocking chair, s'abandonne à la rêverie. Un blanc diaphane baigne la pièce. Comme Isak ne peut se rendre auprès d'elle, elle va se confier à Oscar, qui apparaît opportunément. L'occasion d'une réflexion sur la vieillesse, celle-ci rejoignant l'enfance sans qu'on puisse se souvenir de "ce qu'il y a eu entre", pourtant "le plus important". Là encore, c'est Bergman lui-même, âgé, qui se raccorde à son enfance en oubliant l'âge adulte.
Helena reçoit aussi de la visite :
- Maj, que Gustav a mise enceinte, et qui s'inquiète pour Fanny et Alexandre.
- Puis Gustav et Alma, revenant d'une virée sur le lac : scène qui ne m'a pas passionné, comme beaucoup de scènes avec Gustav Adolf remarqué-je. Autrement plus captivant l'échange entre Carl et sa femme, restés dans le jardin : Carl est toujours dans l'idée d'obtenir de l'argent de sa mère, il demande à Lydia de s'en charger (la plupart des hommes dans le film ne brillent guère par leur courage), non sans la traîner plus bas que terre, tant elle l'exaspère - et, avouons-le, nous partageons cette exaspération devant une telle geignarde. Carl se casse la figure, ils repartiront sans rien avoir demandé. Cette scène étoffe un peu la présence de Carl dans le film, déséquilibré de ce point de vue dans la version courte.
- Enfin, Emelie, dont on apprend la terrible situation : enceinte elle aussi, elle ne peut quitter Edvard qu'elle hait à présent, car celui-ci pourrait lui prendre ses enfants pour "abandon de domicile conjugal". Emelie nomme Edvard "l'adversaire", qui est l'un des noms du diable dans la Bible. Cette scène est trop courte dans la version cinéma : on s'y étonne qu'Emelie soit passée si vite de l'amour ardent à la haine. On apprend aussi la responsabilité d'Oscar, décidément à l'opposé du libidineux Gustav : il ne la touchait plus depuis la naissance de Fanny, et Emelie ne supportait plus "ce corps insatisfait". Aveu important, également absent de la version courte, car il contribue à expliquer pourquoi Emelie s'est jetée dans les bras d'Evard - même si celui-ci est tout de même modérément sexy, qu'en dites-vous mesdames ?!...
A l'évêché, Fanny et Alexandre sont, comme le redoute Emelie, à la merci d'Edvard et de sa clique. Après le mensonge d'Alexandre, ils se retrouvent seuls et, devant la fenêtre zébrée par l'orage, lancent des incantations pour que meure Edvard le "gros porc" ! Scène délicieuse, qui ne figure pas dans la version courte. L'alternance avec la maison d'Helena nous apprend que nous sommes toujours en plein jour, Emelie confirmera que les enfants sont mis au lit de force dans la journée. Quoiqu'il en soit, ils sont tirés de leur chambre par Justina la traîtresse, qui leur annonce qu'Edvard veut leur parler.
Et c'est la superbe scène de la férule. Elle répond à la première confrontation entre Edvard et Alexandre, et au premier mensonge de celui-ci. Mais Emelie n'est plus là, Alexandre s'entête dans son mensonge, parjure sans hésiter sur la Bible (ce qui montre l'échec de la religion le concernant : il n'y croit pas), ce qui ne fait que pousser à bout Edvard. Longue leçon de morale, l'amour "âpre" que ressent Edvard pour son beau fils justifiant la correction bien sûr. Pendant ce temps, la soeur et la mère d'Edvard cousent comme si de rien n'était. Entre l'huile de ricin, le cagibi (où les rats viendront lui rendre visite) et la férule, Alexandre choisit les dix coups sur le postérieur. Edvard lui demande de "mettre un coussin sur la table et de baisser son pantalon", ce qui rappelle furtivement la scène paillarde entre Gustav et sa femme (aurais-je trop lu le Marquis de Sade ? je ne crois pas pourtant !). Bergman laisse alors la correction hors champ : les coups se succèdent, dont on voit l'effet sur les visages de la mère, de la soeur, et de Fanny, au regard intense (formidable Pernilla Allwin, qui exprime tout par son regard). Détail cruel : le dé à coudre sur la main de la mère, qui maintient le cou d'Alexandre. Par la torture, il obtiendra même du pauvre Alexandre, humilié et lacéré, une demande de pardon. Tout cela, et c'est ce qui ajoute à cruauté de la scène, sous le regard de la petite Fanny. Fanny, si touchante car elle est, tout au long du film, celle qui encaisse. Une sorte de témoin muet de la violence humaine. C'est l'une des très belles idées du film.
Mais revenons à notre scène. Si elle s'avère terrible, Bergman ne fait pas pour autant de l'évêque un monstre : Edvard reproduit simplement l'éducation qu'il a reçue lui-même (comme il le dit à Alexandre), et est convaincu qu'il agit pour le bien de cet enfant en perdition, qui n'a pas de "colonne vertébrale".
La punition n'est pas totalement achevée car Alexandre est envoyé dormir au grenier. Ce qui nous vaut une scène absente de la version courte, la visite du fantôme des deux filles d'Edvard mortes noyées. C'est peut-être la seule scène de la version longue qu'il me semble intéressant d'avoir coupé, car jusque là je me demandais si Alexandre n'avait pas vu juste en "inventant" la réclusion des deux filles et de leur mère. Le regard terrible d'Edvard apprenant ce récit de la bouche de Justina m'avait mis un doute. Cette scène lève ce doute, et je trouve généralement plus intéressant de laisser les questions ouvertes au cinéma... Bon, mais cette scène nous apprend qu'Alexandre "a peur des fantômes", ce qui accentue sa fragilité et le rend encore plus touchant.
Sa mère finit par revenir, arrache la clef des mains de Henrietta et trouve Alexandre perclus, en boule, un Christ en croix contre le mur du fond. Les traces de fouet sur ses fesses évoquent également le Christ, et Emelie fait office de "bonne mère" consolatrice.
Edvard les retrouve tous trois dans la chambre des enfants, lovés les uns contre les autres dans le même lit. La caméra capte les trois regards, séquence absente de la version longue que j'ai trouvée bouleversante. Fanny dit docilement bonne nuit à Edvard, Alexandre refuse ("Alexandre ne souhaite pas bonne nuit à l'évêque"), ce qui déclenche un grand rire chez celui-ci.
On retrouve Emelie et Edvard dans la bibliothèque, autre scène coupée dans la version cinéma. Ewa Fröling, pâle, déterminée, est ici plus belle que jamais. Edvard, devant des rangées de livres, tente de lui imposer sa loi mais, un peu comme Alexandre, elle ne se soumet pas : "tu ne me fais pas peur". On apprend ici qu'elle va être enfermée, information d'importance quand même ! Ici s'achève le quatrième acte.
Acte 5 : les démons
Après la récurrente eau qui coule, qui montre ici un cadavre d'animal, l'acte 5 s'ouvre sur une scène délicieuse : l'enlèvement des enfants par Isak. Une scène très théâtrale, à l'image de tout le film d'ailleurs, mais particulièrement ici : avec ces personnages qui entrent et sortent, ces dialogues furtifs, "en cachette", on l'imagine complètement sur un plateau de théâtre.
Une charrette dévale à toute bombe les rues de la ville, quelques jeunes courant derrière. A l'évêché, l'accueil glacial d'Henrietta (on peut même dire brutal), auquel le vieil antiquaire répond avec malice et subtilité, est un vrai plaisir. Il faudra évoquer une perspective financière alléchante pour qu'Edvard daigne recevoir le "sale juif" qu'est Isak. Car toute cette scène baigne dans un antisémitisme affiché, Henrietta allant jusqu'à demander à Isak de ne rien emporter en plus du coffre qu'il propose d'acheter. Belle idée aussi le chat noir sur le bureau d'Edvard, symbole de sorcellerie, qui annonce ce qui va suivre : le miracle qu'accomplit Isak en faisant réapparaître les enfants dans leur chambre. Ce n'est qu'une image, comme un hologramme, ce qu'a bien compris Emelie qui crie à l'évêque : "ne les touche pas !"J'avoue n'avoir pas saisi lors de la version courte, et il m'a fallu le voir deux fois pour comprendre. Un peu gênant... peut-être un défaut de clarté ici ? Malgré le visage illuminé d'Isak...
L'acte 5 va ensuite, comme l'acte 4, alterner entre l'évêché et un autre lieu : ici la maison d'Isak, véritable caverne d'Ali Baba emplie de lustres, de marionnettes, de mannequins, d'accessoires. Cet endroit est un souvenir d'enfance de Bergman, comme presque tout ce que contient le film. Fanny et Alexandre y sont accueillis et intègrent leur nouvelle chambre, baignée de rouge : le rouge rassurant de la chambre d'Helena Ekdahl (dont Bergman souhaitait qu'elle évoque un utérus), mais qui prend une teinte plus onirique. Ici s'insère une scène absente de la version cinéma, Isak lisant, et rapidement récitant par coeur, une histoire de son livre sacré. Il y est beaucoup question de rivière, ce qui fait sans doute le lien avec les débuts de chaque acte. Très métaphorique, ponctué d'images de rêverie mettant en scène Alexandre. Pas tout compris, si quelqu'un peut m'éclairer ? Encore faudrait-il que quelqu'un m'ait suivi jusqu'ici ! Il m'a semblé en tout cas que Bergman voulait montrer le côté merveilleux du religieux, en opposition avec le dogme froid qui caractérise l'évêché...
Alexandre se lève pour faire pipi, se perd dans cette demeure soudain inquiétante, une porte s'ouvre, c'est Dieu qui lui parle ! En fait ce blagueur d'Aron. Qui va lui montrer une momie qui respire, l'occasion d'un raccord sur la tante d'Edvard qui se meurt. Aron laisse Alexandre aux mains d'Ismaël l'androgyne, d'ailleurs joué par une femme, qui entre en communion avec lui : belle idée que le nom inscrit sur le papier par Alexandre, qui se révèle être celui d'Ismaël. On est toujours dans la magie, la télépathie, le surnaturel. Et Ismaël va permettre à Alexandre d'accomplir sa vengeance.
C'est du moins ce que nous dit cette partie fantastique. Car la version prosaïque est tout autre : la tante a mis le feu à la maison en renversant une lampe à pétrole, et Emelie a empoisonné son mari. Dans l'explication qu'elle a avec Edvard qui commence à sentir les effets du poison, celui-ci tombe le masque, qu'il a pourtant "soudé à sa chair" : il devient un homme vulnérable, touchant, qui s'interroge. Et c'est soudain Emelie qui apparaît comme impitoyable, le laissant la supplier de l'aider.
Mais avant cela, nous aurons eu une autre longue scène délicieuse, l'entrevue des deux frères avec Edvard : Carl s'y montre à la hauteur enfin, à la fois maître de lui-même et ferme dans ses propos. Cette scène rehausse le personnage de manière intéressante. Gustav Adolf, au contraire, se montre grossier et insultant, suscitant le mépris de l'évêque. Dans cet échange à fleurets mouchetés, au sein de cette décidément magnifique bibliothèque, chacun abat ses cartes, mais Edvard sort son joker pour finir : Emelie elle-même qui vient demander à ses deux beaux frères de ramener les enfants ! Y est-elle contrainte par Evdard ? Se montre-t-elle docile pour endormir la méfiance de l'évêque et pouvoir ainsi l'empoisonner ? Les hypothèses restent en suspens. En tout cas Ewa Fröling, qui ne cesse de se métamorphoser tout au long du film, n'est soudain plus du tout belle...
Elle retrouvera des couleurs chez les Ekdahl. Deux policiers viennent écarter tout danger de poursuite contre Emelie, les preuves manquant.
Une ultime scène nous montre Emelie revenant au théâtre, accueillie avec émotion par la troupe... comme le messie ? Ils en sont réduits à jouer de "mauvaises pièces françaises", dans de mauvaises traductions, et le public fait défaut.
Epilogue
Comme il avait (presque) commencé, le film s'achève (presque) sur un banquet tout de blanc éclatant, surplombé par les deux bébés, ceux de Maj et d'Emelie. Magie de la version longue : le discours de Gustav Adolf, qui m'avait ennuyé dans la version courte, m'a assez captivé, de même que ses interactions avec les convives (les comédiens qui baillent, Emelie et Maj qui sourient chacune à leur manière, Alexandre médusé...). "Sachons profiter des choses simples de la vie" dit-il en substance. Sans doute ce qu'Emelie avait besoin d'entendre, sortant de l'univers desséché de l'évêché.
Ce n'est pourtant pas tout à fait fini : dans la maison Ekdahl où le vert, couleur de l'espoir, prend souvent le pas sur le rouge, on verra Maj et Petra demander à aller à Stockholm, avec Maj prise de scrupules, lâchant en pleurant pour la Nième fois à propos de Gustav qui comptait sur elle pour la pâtisserie : "il est si gentil" ! Ne boudons pas les rares moments comiques de Fanny et Alexandre ! Pour Gustav, rien ne change, il continue à lutiner sa femme qui glousse, en attendant de s'attaquer à la nouvelle soubrette, Rosa, qu'Emelie a toutefois mise en garde.
Enfin, Emelie propose à Helena de reprendre du service sur un texte de Strinberg, auteur qui compta beaucoup pour Bergman. "Ce vieux misogyne !" s'écrie Helena, dont les deux fils ne sont pourtant pas piqués des vers de ce point de vue. Mais elle accepte et le film s'achève, comme Les fraises sauvages, sur une note positive..
Pourtant, Edvard continuera à veiller sur Alexandre, ce qui tempère un brin l'optimisme de ce final. Il le pousse dans le couloir, le faisant trébucher, et lui lance : "je ne te lâcherai pas". Voilà Alexandre nanti de deux fantômes, lui qui en a si peur ! Bergman nous dit ainsi que si l'art, le théâtre, la poésie, l'ont aidé à se libérer de ses chaînes, des traces de l'oppression que lui fit subir ce père restent en lui.
Le film se clôt sur Alexandre lové contre Helena, qui figure à la fois la mère et la grand-mère de Bergman. Une image douce pour conclure.
Passionnante comparaison des deux versions ! La version longue est un échafaudage si équilibré qu'il était fatal de l'abîmer grandement en le coupant. Sans doute une mauvaise idée : il eût été préférable de le sortir en deux fois, ce qui d'ailleurs a été le cas lors de sa ressortie récente. Certes, le cinéma est toujours un art du montage, même chez Belà Tarr ! Il suppose donc des choix. Mais on peut penser que Bergman avait si bien pensé son oeuvre qu'elle avait atteint ainsi une sorte de plénitude.
Je reconstitue, dans les moindres détails, des bribes de mon enfance 60 ans après. C'est un sentiment extraordinaire.
Une vie de cinéaste lui aura enseigné comment, de façon extraordinaire, nous le faire partager. Comme Proust en littérature. En allant au plus intime, ils touchent à l'universel.