En 1940 sortait Fantasia, compilation de courts-métrages sous la direction de Walt Disney, ayant pour but de faire découvrir (ou redécouvrir) la musique classique à son public. Le projet était, à l’origine, de produire plusieurs longs-métrages sur ce modèle, en renouvelant constamment la musique et les images, mais ce projet fut avorté, faute de succès immédiat. Toutefois, Fantasia deviendra avec le temps le film culte que l’on sait, et le succès des ventes du film en vidéo convainquit Roy Edward Disney, neveu du grand Walt, et Michael Eisner, alors PDG des studios Disney, de mettre une suite en chantier.
Bien leur en prit, et même si cette suite connut le même sort que son prédécesseur au box-office, elle finira elle aussi par devenir culte, au point qu’une bonne partie du public finira par oublier la distinction entre les deux films, ne sachant plus quel court-métrage est issu de quel film (demandez autour de vous, vous verrez). Il faut dire que Fantasia 2000 impressionne par sa capacité à égaler son modèle, quand il ne le dépasse pas tout bonnement, même si cela se fait au prix de la simplicité du film original, sacrifiée au profit d’une ambition revue à la hausse.


Techniquement, Fantasia 2000 est éblouissant, et l’on ne s’étonne pas de voir Hendel Butoy, un des deux réalisateurs du magnifique Bernard et Bianca au pays des kangourous à la supervision du film. Butoy est d’ailleurs crédité au générique de deux des plus poétiques courts-métrages de cette compilation, Les Pins de Rome (dont la beauté visuelle fait parfaitement passer l’idée rocambolesque d’avoir fait voler des baleines dans les airs), sur le célèbre air d’Ottorino Respighi, et Le Soldat de Plomb, une jolie version visuellement innovante du conte d'Andersen, puisqu’elle contient les premiers personnages Disney animés en synthèse, pour un résultat plein de charme, accompagné des merveilleuses notes du Concerto pour piano n°2 de Chostakovitch.
Mais le sommet du film reste sans nul doute le segment d’Eric Goldberg, un animateur phare des studios Disney, sur Rhapsody in Blue de George Gershwin. S’inspirant du travail du caricaturiste Al Hirschfeld, d’ailleurs consultant sur le court-métrage, Goldberg nous plonge au rythme endiablé de Gershwin dans un New York plein de vie, en suivant les chemins entremêlés de divers personnages. Scénaristiquement très réfléchi, le court-métrage séduit par son ambiance exubérante, qui colle tant à la musique de Gershwin qu’on croirait cette dernière composée spécialement pour l’occasion et nous replonge droit dans les comédies musicales à la Stanley Donen (Un Jour à New York, Chantons sous la pluie, Donnez-lui une chance ou encore Beau fixe sur New York) avec un brio étonnant, le tout avec une recherche visuelle époustouflante, des graphismes stylisés à un jeu chromatique ahurissant sur les couleurs.
Mais, si l’on atteint certainement ici un sommet de toute l’histoire des studios Disney, les autres courts-métrages ne font pas pâle figure en comparaison, et même si le segment sur l’Arche de Noé avec Donald nous offre une étrange recomposition d’Edward Elgar, en mélangeant plusieurs de ses Pump and Circumstances, ce qui sonne bizarrement aux oreilles des connaisseurs, l’ampleur visuelle dont il témoigne le rend digne de figurer dans Fantasia 2000, nous amenant lentement mais sûrement à l’apothéose de L’Oiseau de feu, une des plus belles œuvres de Stravinski, qui nous permet de quitter le film sur un nouveau sommet.
Réalisés par les français Paul et Gaëtan Brizzi, il magnifie sans cesse la musique de Stravinski pour y mettre des images d’une somptuosité telle qu’elles constituent sans nul doute le plus hommage que les studios pouvaient offrir au compositeur russe.


Et même si l’on se sent légèrement floué de voir une nouvelle fois L’Apprenti Sorcier au lieu, peut-être, d’un autre court-métrage original, même si la rencontre entre le grand James Levine et Mickey Mouse n’égale certainement pas l’iconique poignée de main entre la souris la plus célèbre de l’animation et le non moins grand Leopold Stokowski du Fantasia de 1940, cette suite, qui fait défiler des visages célèbres entre chacun de ses fragments (Steve Martin, Itzhak Perlman, Quincy Jones, James Earl Jones, Angela Lansbury…), réussit à capter autant, sinon mieux, que son modèle toute la magie des studios Disney pour la condenser dans ce Classique d’animation à l'alchimie musicale et visuelle parfaite et l’immortaliser à nouveau sous les yeux émerveillés d’un public qui, de 7 à 77 ans, vibre à nouveau à l’unisson, porté par le souffle encore vif du plus grand génie que l’animation ait jamais connu…

Tonto
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le 24 juin 2018

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