La rencontre entre Wes Anderson et Roald Dahl, deux créateurs à la tête d’un univers singulier et d’une tonalité propre, semblait relever de l’évidence, et c’est avec gourmandise qu’on aborde ce film d’animation qui devrait par définition sortir du lot des productions destinées à la jeunesse.
Fantastic Mr. Fox est totalement cohérent dans la filmographie de son géniteur. Profus, émouvant, plastiquement ciselé, il explore toutes ses obsessions au profit d’un film faussement dilettante (on sent la patte Baumbach à l’écriture) et comme souvent à double fond.
Avant tout jubilatoire, le film s’inscrit dans la dynamique devenue depuis familière chez Anderson, celle du trajet à tombeau ouvert en dépit des obstacles et des cloisons, et qui fait l’ossature entière de Grand Budapest Hotel : ici, on creuse des galeries, on escalade des clôtures électriques, on dynamite et on attaque à la pelleteuse pour débusquer le rusé animal qui se joue de l’espace civilisé par les hommes et leur capitalisme mortifère. Vif, enlevé, porté par une B.O. du tonnerre convoquant les Beach Boys, les Rolling Stones ou The Bobby Fuller Four, jouant autant sur les terres du western spaghetti que la fable, l’adhésion est totale.
Plastiquement superbe, le film laisse libre cours à la picturalité qui gagne de plus en plus de terrain dans la filmographie : ainsi des tableaux conduits par la femme de Fox, souvent traversé par la foudre et qui deviennent le plan de bataille général de ses hauts faits.
A cette jubilation s’ajoute une dimension autrement plus ambitieuse, celle de l’émotion. Réflexion sur le statut du héros et son désir de distinction, sur la filiation (deux thèmes qui font la colonne vertébrale de Life Aquatic with Steve Zissou), Fantastic Mr Fox élabore un parcours initiatique qui interroge l’animalité, la violence et le rapport au monde civilisé. De ce point de vue, l’animation est une réussite totale : le plissement des poils du fils pour évoquer ses blessures, les larmes des parents ou le basculement de la violence au deuil de son semblable (le rapport au rat, voire la phobie du loup) sont autant d’épaisseur ajoutée au simple récit d’action juvénile.
Wes Anderson pose souvent la même question : celle du rapport d’un individu atypique, de ses aspirations enfantines et romanesques face à la grande mâchoire de la normalité. Un amour dont la concession devrait être la pauvreté, déclinaison de ce que sera le parcours sentimental des protagonistes de Moonrise Kingdom.
Singulier, stimulant, émouvant et fédérateur, Mister Fox mérite avec son créateur l’ajout de cette mention tant convoitée qui le distingue : fantastique.