Outre le fait qu’elles soient muettes et (vraiment) pas toutes jeunes, les premières adaptations de « Fantômas » par Louis Feuillade ont été allègrement zappées dans la mémoire collective, écrasées par la trilogie de André Hunebelle. Si bien que l’on oublie qu’avant d’être un super méchant à la James Bond traqué par un policier comique et un journaliste cascadeur, Fantômas était dépeint comme un criminel sinistre, pourchassé par un déterminé et sagace commissaire Juve.
Dans cette première des 5 adaptations réalisées par Feuillade, le criminel dépouille une princesse dans un hôtel parisien, avant de supprimer le mari gênant de son amante, Lady Beltham. Clairement, on est dans un récit construit par feuilletons, datant de 1913, donc il ne faut pas s’attendre à quelque chose de moderne. Les plans sont exclusivement statiques, et la narration passe par la gestuelle des acteurs et des extraits de journaux ou de lettres.
Néanmoins, le film fait preuve de qualités étonnantes pour son époque. Un montage qui ne se limite pas à enchaîner des tableaux, offrant quelques insertions de gros plans, dont plusieurs trouvailles (les fameuses cartes de visite où le nom du criminel apparait). On a même des plans de composition audacieux, tel celui de Lady Beltham regardant une pièce de théâtre. Le tout monté de manière dynamique, et appuyé par une intrigue relativement sombre (meurtres, séduction, déguisements non comiques…). Tandis que les acteurs ne se limitent pas à gesticuler, mais parviennent à réellement exprimer leurs émotions à l’écran (René Navarre est particulièrement lugubre).
Cependant, j’avoue avoir eu l’occasion de découvrir ce film dans une restauration en full HD impressionnante pour un œuvre sortie un siècle avant l’existence de ce format. Des conditions qui permettent peut-être de gonfler cette note !