Sept 2009 :

Il porte bien son titre. Fort du succès retentissant du premier film, les producteurs ont décidé avec cet épisode de donner une nouvelle ampleur aux aventures de Fandor et du commissaire Juve. Au Fantômas lugubre succède un Fantômas plus moderne. A l'heure où le Gendarme se confronte à l'effrayante modernité du nouveau monde à New-York, Fantômas prend des allures de Dr No. Il commence par réapparaitre par le biais de la télévision, aux yeux du monde, en personnage médiatique comme on dit de nos jours. Dans le récit, c'est un extraterrestre, presque, qui apparait engoncé dans sa combinaison d'astronaute, entrant dans une zone appartenant à ce qu'on appelle alors le "Centre de la Recherche Scientifique" tourné vraisemblablement dans une raffinerie (ou à Lacq peut-être?). Les couloirs sécurisés des labos ressemblent à s'y méprendre à ceux d'une forteresse ultra moderne, avec tuyaux, sas de sécurité, portes blindées ou alors à ceux d'un sous-marin. Avec les décors de cette introduction du personnage, on entre aussi dans la démesure des décors bondiens à la Ken Adam. Dans le premier film, les décors y faisaient un peu songer. Ici, l'inspiration flirte bien plus avec la parodie, vire à l'imitation pure et simple. Avec peut-être même une touche plus psychédélique qu'une débauche de couleurs vives vient accentuer. Vers la fin du film, la base souterraine entre fonds marins et sommets volcaniques constitue le sommet de cette démesure. Elle demeure encore très impressionnante dans l'émerveillement. Beaucoup de brillance, très tape à l'oeil il est vrai dans les couleurs avons-nous dit, dans la maîtrise technologique également que les décors gadgets sont censés exprimer mais également dans l'agencement spatial bizarroïde. Cette base avec ses écrans, boutons, ordis, lucarnes sur les profondeurs abyssales sous-marines, suggère nombre de pouvoirs techniques mystérieux détenus par Fantômas, le plaçant même dans une posture que le premier épisode avait déjà proposé, celle du capitaine Nemo, mais un Nemo encore plus inquiétant avec un potentiel hallucinant. Et c'est là que la lignée extra-terrestre se fait plus pregnante. Ne prophétise-t-il pas qu'il va devenir le maître du monde? Tout cela, le premier opus nous l'avait déjà sussuré, ce "Fantômas se déchaîne" le chante, le clame bien plus ardemment! La gadgétisation est beaucoup plus prononcée. C'est avec un mini véhicule téléguidé que Fantômas fait exploser le portail du "Centre (N) de la Recherche Scientifique" (explosion assez volumineuse pour un film français de l'époque). Malgré tout, Fantômas opère depuis une fourgonnette Citroën qui fleure bon les années 40-50. Il fait faire par les scientifiques qu'il a enlevés une sorte de fusil télépathique et finit par s'enfuir à bord d'une DS volante (encore mieux que le discovolante de Largo dans Thunderball!). Attention il est permis de se gausser gentiment devant les effets spéciaux d'une rare indigence pour le décollage et les prises de vues aériennes. On met les moyens par contre sur les effets pyrotechniques qui sont maitrisés lors de l'allumage des réacteurs ou bien du déploiement des ailes.

Ce film marche ainsi sur un fil, entre l'expression de la modernité des sixties et le plus ridicule des ringardismes. Comme si les efforts de ces messieurs pour donner dans le cinéma du futur étaient chose impossible pour des artisans du cinéma de papa. Ambitions et désillusions ô combien charmantes aujourd'hui. C'est mimi tout plein. D'aucuns trouveront cela pathétique mais j'y verrais plutôt des tentatives, vaines certes, de petits vieux de vivre plus jeunes qu'ils n'étaient, sans désespoir, bien au contraire, avec une naïveté désarmante. Car le film est un très agréable spectacle. Il a même eu du succès en son temps. Finalement il appartient bien, lui aussi, à son temps. C'est presque beau ces efforts répétés : une obstination de gamins.

Revenons aux faits et en l'occurrence à la gadgétisation de la série car elle n'est pas l'apanage du criminel, la police s'en mêle. Les longues scènes didactiques sur le troisième bras articulé ou le cigare flingueur sont hilarantes, grâce au contraste amené par le sérieux du commissaire et l'ahurissement béât et général de ses ouailles durant l'exposé. Plus encore, il est important de souligner comment le scénario introduit cette gadgétisation de la flicaille, avec le rôle du ministre (de l'intérieur sans doute) et l'engueulade qu'il passe au commissaire en parfaite et symétrique opposition avec son discours dythirambique prononcé après qu'il eut accroché une légion d'honneur à la veste de Juve. Du héros boutant l'ennemi hors du pays, le commissaire est vite devenu un "Jean Foutre". C'est une des clés qui ont fait le succès de Funès, ses personnages toujours petit rabougri devant ses supérieurs et tyrannique avec ses propres inférieurs. Un comique de hiérarchie très franchouille utilisé ici aussi. Quand le ministre ordonne à son commissaire de "réviser ses méthodes", on pourrait penser qu'il fait figure de critique -pas forcément la Nouvelle Vague vitupérant contre la vieille garde personnifiée par Hunebelle et sa clique- mais bien vraisemblablement celle du public qui apprécie de plus en plus l'aspect moderne des gadgets qui accompagnent James Bond par ex, toujours cette grande masse écossaise qui projette son ombre tutellaire sur les Fantômas... ou Pif (héhé j'm'amuse). D'ailleurs, le commissaire en découvrant l'inaptitude de ses sous-fifres à comprendre le mot "gadget", ne dit-il pas "vous n'êtes jamais allés au cinéma?" Les scénaristes ont vu et revu la grande salle d'opération du Dr No, si, si, on ne me l'a fait pas à moi! Les scientifiques de Fantômas sont dans des espèces de labos-bulles, bossent avec des robots et des bras mécaniques, et on a vu comment Fantômas et ses hommes entrent au "CNRS" en combinaisons de protection qui rappellent autant celles que portaient Dr No et ses sbires que celles des premiers astronautes. Comme je l'avais déjà émis dans l'article sur le Gendarme à New-York, je trouve toujours bien davantage attendrissante que comique la manière dont les français de l'époque associaient la modernité aux Etats-Unis et à la culture anglo-saxonne en général. Ici aussi, on a droit à ce type d'amalgame quand le commissaire, dans des bureaux à l'architecture intérieure des plus modernes notons-le au passage, enjoint ses affidés à rester "rilax, toujours rilax".

Mais comme je le disais précédemment, on revient toujours aux fondamentaux culturels français de l'époque, pas de doute. Louis de Funès voulant créer une sorte de dynastie de saltimbanques obligea son fils Olivier à faire du cinéma. Louis parvient à intégrer son fils au scénario. On voit là déjà combien sa personnalité et son rôle ont vampirisé les attentions du public et de la production, l'un n'allant pas sans l'autre évidemment. Olivier devient alors le jeune frère d'Hélène ou son neveu (peu importe). Dans sa scène de présentation, les scénaristes font retrouver au film une teinte traditionnelle, la figure spectrale du Fantômas d'Allain et Souvestre en un plan bref et captivant. Mais très vite, en combinant l'esprit farceur d'un Zéro de conduite avec l'humour frondeur d'écolier, quelque chose de rieur, de guilleret apparait, que l'on trouve affiché dès les premières images du générique. En effet, dans le premier opus, avec la gravité que le thème de Magne installait, le générique restait très simple. Ici, lui succède un générique en dessin animé, narrant à ceux qui n'auraient pas vu le premier film les hauts faits de la poursuite finale. Ce petit rappel des évènements peut paraitre fastidieux, m'enfin, on subit bien plus pénible quand le commissaire rappelle à ses hommes comment Fantômas manipulait son monde à l'aide de ses divers masques. Il projette alors des photos "portraits" de Fantômas avec ses différents postiches, photos dont on se demande bien comment il aurait pu se les procurer. Le procédé est très lourd, grossier. On déraille complètement. Alors ce petit dessin-animé au générique avec sa joyeuse musique, ses couleurs chatoyantes parait alors d'une légèreté bien vivifiante en comparaison.

Le film par moments vient emprunter à d'autres cinémas que celui de James Bond. De Funès en fan absolu de Charles Chaplin s'autorise un petit numéro hommage de mime, manière muet, et imite son idole quand il enrage de ne pouvoir se faire comprendre de ses confrères italiens en faisant une mimique labiale qui lui remue la moustache. Plus loin, c'est Mylène Demongeot et Jean Marais qui partent du côté de la Méditerranée sur une autre production où Michel Magne a fait des siennes. Lors de la soirée organisée par Fantômas sur les hauteurs de Rome, lui en sultan, elle en Angélique marquise des Anges, ils prennent des poses théâtrales que la musique angéliquienne de Magne vient souligner avec lourdeur. Je vous assure que j'aime beaucoup Magne, mais pas dans ces contrées lyriques. D'ailleurs il faudrait dire que cet épisode est plutôt raté musicalement par Magne qui use et abuse d'une musique trempée de violons soit larmoyants soit bondissants comme des cabris. A la fin, pendant la poursuite dans les escaliers en colimaçon, cette musique vient gâcher un peu la scène avec une mélodie très répétitive. Agaçant. Alors que j'ai pour la recherche mélodique et instrumentale du bonhomme la plus grande admiration par ailleurs. Son thème de Fantômas est à cet égard, certes lui aussi très répétitif, mais d'une originalité folle et très percutante.

Dans les inspirations de l'époque, au risque de me répéter par rapport au premier film, j'ai vraiment le sentiment de retrouver Ric Hochet, dans l'accoutrement et la dégaine de Jean Marais. C'est encore plus voyant quand il vient chercher "Michou" (Olivier De Funès) à l'internat. Son Alfa Romeo décapotable rouge, le coupe de sa veste, sa coiffure mi-classique mi-banane, tout cet ensemble sent bon les années 60 et les aventuriers de bédé mi-journaliste mi-détective. D'ailleurs la trogne de Juve n'est pas sans rappeller l'aspect bonhomme du policier qui assiste Ric Hochet dans ses enquêtes.

Au rayon des motifs de déception, outre le déguisement de Jean Marais en professeur Lefebvre qui, s'il est bien déformant n'en demeure pas moins extrêmement laid et artificiel, c'est surtout le fait que Mylène Demongeot ne darde plus. C'en est scandaleux. Où sont passés nos chers tétons dardés? Hum? On retrouve bien sa jupe plissée, ses hanches... mais que diable lui est-il arrivé? Au dessus de Rome, dans les frimats de ces vents italiens, il y avait de quoi frisonner. Et pourtant... nib! Enfin... nada plutôt. Je me sens floué. Oh pour les adeptes de bondage, une scène rigolote qui fait même rire Mylène!

En somme, longtemps ce deuxième épisode m'a semblé long, trop comique, trop burlesque -le mot semble plus adéquat- et le récit me paraissait trop décousu, sans queue ni tête... et donc ni téton. Aujourd'hui, la vieillesse fait son sale boulot, je lui trouve des airs charmants, de la couleur, un De Funès endiablé, son duo avec Dynam est aussi sûr que dans le premier épisode, bref, ce n'est pas un aussi mauvais film qu'il n'y parait.
Alligator
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le 23 mars 2013

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Alligator

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