Reese Witherspoon a quitté son Alabama natal pour percer comme styliste à New York. Elle se fiance avec le beau, riche et courtois fils de la mairesse, et retourne dans sa campagne pour annoncer la nouvelle à des parents qu’elle n’a pas vus depuis des années – mais surtout pour faire signer des papiers de divorce à un ancien amour, avec qui elle s’est mariée étant jeune avant de partir en ville. Ses sentiments envers lui remontent ; c’est le dilemme entre le plouc et le citadin, plus largement entre la success story et les modest racines. L’intérêt du film est de ne pas faire pencher trop facilement la balance, et de suivre fidèlement le parcours de son personnage : ainsi New York paraît d’abord idéal et l’Alabama rebute, mais peu à peu les deux prétendants se valent et l’héroïne parcourt une série de situations qui redonnent à son enfance de la vitalité – les retrouvailles avec ses vieux amis, que l’on rencontre en même temps qu’elle se jette dans leurs bras, sont chaleureuses. Les moments de convivialité teintés de beauf attitude font irruption et semblent contaminer le récit, comme si l’enjeu était d’envahir l’hégémonie bourgeoise avec de la tranche de vie hospitalière de prolos. Mais l’exécution reste fainéante : là où Elle et lui rappelle l’étendue du pouvoir d’un champ contre-champ, tout ici est lisse et déroulé sommairement (sur les mêmes thèmes, l’occupation de l’espace, la réactualisation de la campagne, 5 hectares de E. Deleuze est bien meilleur). L’erreur du film dans son dernier acte est de donner au dilemme moral une conclusion binaire. On comprend que Witherspoon fasse un choix, c’est logique ; mais il est montré comme entièrement vertueux, c’est-à-dire que chacun en tire son bien-être et le monde est heureux. Le film révèle son identité conservatrice : il est bon de retourner chez soi, les origines sont la clé du bonheur (il faut abandonner son fiancé à l’autel et rester près de l’amour d’enfance, qui n’a pourtant rien fait d’autre que ressasser son spleen), mais il reste important de faire carrière et d’embrasser ses ambitions (l’héroïne retourne vivre à New York avec son campagnard). Le fiancé abandonné consent avec joie et sourire à la bravoure de cette femme qui a trouvé sa voie, et toute la violence intériorisée de ce paysage d’Alabama (le père nostalgique du Sud confédéré, l’ami dans le placard dont l’homophobie subie est insouciamment occultée, l’alcoolisme, la misogynie, la blanchité…) devient un point de détail champêtre qui agrémente la carte postale.

babelard
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