Difficile de passer après James Wan et son Fast & Furious 7 qui tutoyait les sommets. Du ridicule, pour certains, ce que je peux comprendre s'ils recherchaient de l'action sérieuse. De l'entertainment trépané mais totalement over the top pour ceux, comme le masqué, qui sont littéralement restés sur le cul en se délectant de scènes toutes plus bourrines les unes que les autres, ou des situations les plus folles semblant sortir du cerveau enfantin, au choix, d'une bande de gamins qui font mumuse avec leurs petites voitures, ou de responsables cascades sous acide.
Le sous-marin de l'affiche ne pouvait pas plus faire illusion, sauf peut être à rivaliser, côté démesure de l'adversaire, avec la prise d'assaut de l'Antonov de Fast 6. Alors, à la sortie de la séance, va-t-on avoir besoin d'un plus gros bateau ?
Oui et non. Enfin, non, plutôt.
J'm'explique...
La première moitié de Fast & Furious 8 confirme le virage pris par la franchise, celui qui lui a fait abandonner l'esprit tuning des débuts pour bifurquer sur la deuxième voie de l'action totale et du techno thriller inauguré dans Fast 7. Solide, sérieux (dans la mesure d'un tel film), proposant de purs morceaux de fun, le temps d'un street racing cubain, d'une évasion ou encore d'un big in New York réjouissant, le dernier né ne s'inscrit cependant pas dans le crescendo des suites bigger & louder, certainement trop conscients que les sommets du 7, décomplexés et totalement hallucinatoires, seront pour très longtemps indépassables.
C'est comme si Fast & Furious 8 appuyait sur le frein après s'être offert un mille mètres départ arrêté à fond les ballons accélérateur bloqué. Après être longtemps resté dans la zone écarlate de son compteur de vitesse niveau spectacle, cette nouvelle suite passe un rapport de boîte inférieur, histoire que son moteur n'explose pas dans un panache de fumée.
Ainsi, FF8 propose un peu moins d'action, beaucoup moins de variété dans ses situations, en se recentrant sur la mécanique de son bolide. Alors que le 7 proposait des mano à mano d'anthologie qui en remontraient aux franchises testostéronées actuelles (Expendables en tête), le huitième épisode se montrera beaucoup plus radin en la matière. Le métal reprendra ses droits, comme les circuits imprimés puisque le scénario rebondit sur le concept de l'oeil de Dieu pour faire rentrer en jeu un hacker en forme de premier antagoniste féminin de la série, incarnée par une Charlize Theron en mode UV et dread. Si elle ne se foule pas question acting, elle arrive cependant à incarner un ennemi vicieux qui écartèlera Vin Diesel entre sa famille et son passé, de manière tragique.
Le scénario s'inscrit, sans surprise, dans l'héritage de la franchise et ses petites manies , celles qui feront lever les yeux au ciel des plus cyniques tout en réjouissant les autres. Si les ficelles sont parfois usées, elles rappelleront de bons souvenirs, comme Torreto qui tourne casaque du côté dark (comme Letty dans Fast 6), les ennemis d'hier obligés de faire équipe (Fast 6 encore) ou les retours improbables, les fans n'auront pas beaucoup de mal à se persuader qu'ils sont assis devant un vrai FF.
Le film sera aussi le prétexte de quelques très bonnes idées. Même si F. Gary Gray, qui s'était pourtant déjà illustré dans ce registre avec un Braquage à l'Italienne de bonne facture, tiendra parfois sa caméra de manière tremblotante. Le réalisateur ne se montre ainsi pas à la hauteur de James Wan, qui avait réussi à imprimer une patte personnelle sur la commande des exécutifs décérébrés. Gray arrive cependant à mettre en scène un assaut de voitures sans pilotes (si si) comme d'autres ont filmé des vagues de zombies, ce qui prendra le spectateur par surprise, mi fasciné, mi incrédule devant la débauche de destruction urbaine mise en oeuvre pour récupérer une simple valise. L'assaut final, lui, tient plutôt ses promesses question puissance de feu.
Le spectacle proposé est toujours aussi maîtrisé est régressif pour le fan d'action et de superbes supercars rutilantes. Mais, au fur et à mesure du film, et en vue du climax, le spectateur sentira certainement que quelque chose cloche. Comme un toussotement dans la montée des vitesses. Comme quelques hoquets qui viendront étrangler un moteur gavé de chevaux.
Car il sera moins happé par le film, surtout dans le dernier tiers qui donne en spectacle ce qu'il perd en rythme. Puis il y a cette convocation d'un personnage, parfois un peu hors sujet dans un Fast, alors même que sa présence résonne dans la thématique centrale de la famille. Peut être mal exploité, qui n'avait peut être, finalement, aucune raison d'être. Alors que cette même famille était traitée de manière tragique et plus émotionnelle et pour une fois, (un peu) choquante.
Puis il y a ce retour de luxe, un poil raté alors qu'il promettait beaucoup, qui ne servira finalement, dans le cadre du climax, qu'à imposer un humour assez crétin qui fait parfois tâche et dégradera l'aura bad ass, alors que jusqu'ici, FF, hormis les singeries de Tyrese Gibson, était beaucoup plus "sérieux". Sur ce point, de telles scories dans l'écriture pourront nuire au film, empêchant le spectateur de savourer pleinement ce Fast & Furious 8 qui reste sympathique, mais en mode mineur, à défaut de pouvoir rivaliser avec ses grands frères n°5 et n°6.
Dommage, car côté spectacle, rien ne vaut finalement une supercar jouant à saute immeuble. Pas même un sous-marin.
Behind_the_Mask, pas très Fury Road.