En 2004 sort La Passion du Christ réalisé par Mel Gibson qui lui vaudra de vives critiques, le film étant pointé du doigt pour des passages d’une extrême violence graphique et pour des messages supposés antisémites. Deux ans plus tard, il réalise le brutal Apocalypto qui lui aussi provoque moult débats, surtout que l’image publique de Mel Gibson s’en retrouve elle-aussi écorchée à cause de propos parfois très douteux dans des interviews. Ce dernier décide de sortir complètement des radars et ce n’est qu’en 2010 qu’il fait son retour, par la petite porte, dans des productions plus discrètes, alors qu’il était devenu avant cela un des acteurs les plus bankables de Hollywood. On le voit dans des productions modestes comme Blood Father, dans des petits rôles comme dans Expendables 3 ou Machete Kills. Mais le Mel semble reprendre du poil de la bête et en cette année 2020, il est présent dans pas moins de trois films : le mauvais Force of Nature, le très fun Boss Level, et l’improbable Fatman qui nous intéresse ici dans lequel il interprète le Père Noël. Oui, le Père Noël. Mais un Père Noël un peu particulier.
Ce Père Noël, il s’appelle Chris Cringle. C’est un homme vieillissant, à la grosse barbe blanchâtre, se déplaçant en Ford F150 Ranger, et il est bougon, aigri. Il travaille pour le gouvernement qui tous les ans lui fait un chèque pour faire tourner sa fabrique à jouets afin de les distribuer le soir de Noël. Sauf que le contrat stipule que l’argent qu’il perçoit dépend du nombre de cadeaux distribués et de plus en plus d’enfants n’en reçoivent pas car ils ne sont pas sages, la magie de Noël semblant s’estomper peu à peu. Du coup, Chris a du mal à payer ses factures. Épaulé par sa femme, il se noie néanmoins dans un combo shots de whisky / aspirines. Afin d’éviter la fermeture de son entreprise sans âge et de mettre au chômage des milliers de lutins, il accepte de travailler pour l’Armée Américaine et ses locaux serviront à fabriquer des pièces pour l’armement, les lutins ayant un rendement sans commune mesure. Pendant ce temps-là, un fils de riche tête à claques ne supporte pas d’avoir reçu un morceau de charbon pour Noël. Et oui, fallait être sage et surtout moins con mon petit gars. Il va faire appel à son plus fidèle tueur à gage et va lui confier une mission très simple : tuer le Père Noël. Ça tombe bien parce que ce tueur de sang-froid a également une dent contre le Père Noël et il va prendre sa nouvelle mission très au sérieux. Mais encore faut-il arriver à trouver la maison du Père Noël et que ce dernier accepte de se faire dessouder. Je vous le donne en mille, il ne va pas se laisser faire. Je vous l’ai dit, il est bougon le Père Noël, très bougon.
Le scénario de Fatman va prendre un malin plaisir à détourner le mythe du Père Noël en essayant de garder constamment un décalage entre la réalité et le mythe. Une autre vision de Noël en quelques sortes, où le Père Noël est quelqu’un de très humain, presque comme les autres, qui mène une vie normale, avec ses hauts, ses bas, ses espoirs, ses travers.
Le scénario est clairement bien barré et ses personnages sont une de ses forces. Mel Gibson est impeccable et semble prendre un malin plaisir à incarner ce Père Noël aigri. En face de lui, on retrouve Walton Goggins (Les 8 Salopards, la série The Shield) dans le rôle du tueur à gage imperturbable. Il est tout bonnement génial. Même si on a parfois l’impression qu’il a toujours ce même jeu de psychopathe, il est vraiment très bon, arrivant presque à voler la vedette à Mel Gibson. Marianne Jean-Baptiste (Robocop, la série FBI Portés Disparus) est toute en sobriété, toujours très juste. Fatman est un peu long à démarrer car il essaie de bien poser son univers assez particulier. Nous sommes ici dans une comédie noire, un peu acerbe, qui va essayer de semer le doute chez le spectateur pendant une bonne partie du film. Est-ce le vrai Père Noël ? On le saura au bout d’un moment. Le film passe pas mal de temps à installer ses personnages et essaie de faire monter la pression. Il faut avouer que c’est malgré tout parfois un peu longuet, d’autant plus que la mise en scène des frères Nelms (Waffle Street, Small Town Crime) n’a rien d’exceptionnel. Certes, c’est carré, mais il n’y a aucune folie, avec une photographie lambda, et un montage classique. Fatman n’est en plus que peu subversif alors qu’avec un tel pitch, il aurait pu l’être d’avantage. Le délire n’est pas poussé à bloc, comme s’il n’était pas assumé à fond et le film reste au final très sage. Mais l’histoire nous tient en haleine malgré tout grâce à des scènes parfois improbables (la cantine des lutins par exemple) et des personnages funs (le tueur à gage qui a une passion pour les hamsters), jusqu’au duel final intense, sans aucune musique, avec juste ce bruit typique du vent dans la neige et un petit côté western spaghetti (la musique façon Morricone à la toute fin est là pour le confirmer). Un dernier acte très violent, bien sanglant par moments même, qui vient clôturer en beauté un film loin d’être parfait mais néanmoins très chouette.
Fatman, c’est ce genre de film qui aurait pu faire bien mieux dans tout ce qu’il entreprend, mais qui reste néanmoins éminemment sympathique. Un film de Noël pour adultes plutôt original, qui confirme que Mel Gibson a envie de revenir sur le devant de la scène en interprétant des rôles forts.
Critique avec images et anecdotes : ICI