Avec Faute d'amour, Andreï Zviaguintsev opère une nouvelle fois sous nos yeux, à la fois ébahis, terrifiés et admiratifs, le corps plus très sain de la Russie contemporaine. Et sans anesthésie, cela va sans dire. Objet de la vivisection, cette fois-ci : le couple, comme somme de deux individualismes, et plus largement l'égocentrisme des citoyens d'un pays qui a remplacé Pouchkine par Poutine. Constat glacé que le réalisateur d'Elena illustre en s'appuyant sur un fait divers, la disparition d'un enfant, seul élément dramatique qui lui permet de tisser une narration arachnéenne qui ne laisse aucune issue, pas plus à ses deux personnages qu'au spectateur. C'est le propre des grands cinéastes (Bergman ici, puisque le projet initial de Zviaguintsev était d'adapter Scènes de la vie conjugale) que de savoir se renouveler tout en restant fidèles à leurs propres thématiques, comme autant de variations dans des tonalités voisines. Sombre est le cinéma de Zviaguintsev, clinique est sa manière, avec une utilisation sidérante de travellings avants moelleux et d'une musique (Arvo Pärt) qui semble littéralement enfoncer le clou dans ce qui pourrait rester d'espérance ou de résilience. On peut certes réfuter Faute d'amour en l'accusant de noirceur excessive et d'absence d'empathie mais on peut aussi admirer la maîtrise d'un des tous meilleurs cinéastes contemporains qui, film après film, dresse un portrait sinistre et pertinent de son pays, comme l'ont fait les grands auteurs russes au XIXe siècle. Et au-delà de certains particularismes, on peut même l'étendre à l'ensemble de notre monde occidental.

Créée

le 2 juil. 2017

Critique lue 596 fois

6 j'aime

Cinephile-doux

Écrit par

Critique lue 596 fois

6

D'autres avis sur Faute d'amour

Faute d'amour
blacktide
7

Ni le ciel, ni la terre, juste des Hommes

Il y a quelques mois s’achevait une œuvre qui, par son impact réflexif et émotionnel, marquera, à jamais je l’espère, les esprits tourmentés de ses spectateurs. Une œuvre qui transcende son simple...

le 1 sept. 2017

62 j'aime

19

Faute d'amour
Velvetman
9

Foule sentimentale

Une nouvelle fois, Andrei Zvyagintsev nous invite à scruter les méandres d’une Russie en ballotage, un pays qui perd son souffle à travers une déshumanisation carnassière. De ce postulat un peu...

le 26 sept. 2017

58 j'aime

3

Faute d'amour
voiron
8

Faute d'amour

Dans Faute d'amour, un couple en instance de divorce délaisse son fils. Boris et Genia n’ont plus rien d’autre en commun qu’un appartement, qu’ils cherchent à vendre pour retrouver chacun de leur...

le 1 oct. 2017

37 j'aime

7

Du même critique

As Bestas
Cinephile-doux
9

La Galice jusqu'à l'hallali

Et sinon, il en pense quoi, l'office de tourisme galicien de As Bestas, dont l'action se déroule dans un petit village dépeuplé où ont choisi de s'installer un couple de Français qui se sont...

le 28 mai 2022

79 j'aime

4

France
Cinephile-doux
8

Triste et célèbre

Il est quand même drôle qu'un grand nombre des spectateurs de France ne retient du film que sa satire au vitriol (hum) des journalistes télé élevés au rang de stars et des errements des chaînes...

le 25 août 2021

79 j'aime

5

The Power of the Dog
Cinephile-doux
8

Du genre masculin

Enfin un nouveau film de Jane Campion, 12 ans après Bright Star ! La puissance et la subtilité de la réalisatrice néo-zélandaise ne se sont manifestement pas affadies avec Le pouvoir du chien, un...

le 25 sept. 2021

72 j'aime

13