Quelques jours après avoir découvert Le retour, premier film d’Andrei Zviaguinstev, j’ai pu aller contempler en salle son dernier né, Faute d’amour.
Contempler, c’est bien de cela dont il s’agit quand on évoque cette œuvre. Déjà particulièrement convaincant derrière la caméra en 2003 pour Le retour, on sent que Zviaguintsev a progressé et atteint un niveau de virtuosité que ne renieraient pas les grands maîtres russes. Chaque image est travaillée, chargée en symbole. Chaque mot, chaque silence, chaque objet semble avoir un sens dans la façon dont le récit est présenté. Comme dirait Hugo, « la forme, c’est le fond qui remonte à la surface ».
L’histoire narrée est celle d’un couple duquel l’amour a disparu, qui se dirige vers un divorce. Le fruit de ce couple, Aliocha, 12 ans, se retrouve privé d’une ressource essentielle pour un enfant de cet âge. Alors que les parents ont déjà refait leur vie et ne semble pas vouloir se disputer sa garde, il se retrouve isolé. Il est effacé de la vie de ses parents, effacement qui se matérialise dans sa fugue, dans son évanouissement symbolique dans une nature hostile et froide. Sa disparition semble devenir son seul moyen d'exister aux yeux de ses parents. La suite du film s’articule en deux types de scènes, celles où les deux parents se réunissent malgré eux pour tenter de retrouver l’enfant, et celles où ils cherchent (déjà) à refaire leur vie, dans un nouveau foyer où l’amour semble pouvoir encore exister. La tension monte à chaque scène pour déboucher sur un superbe final, à la fois très sobre et puissant.
Le problème, malgré tout, c’est que le fond semble ici servir la forme, peut-être un peu trop. Zviaguintsev se sert de son scénario comme d'un prétexte pour étaler son talent et offrir un film parfois trop propre. Le rôle de l’amour dans la structure familiale (avec une vision d’éternel recommencement en fin de film) ; la perte de sociabilité engendrée par l’addiction aux écrans ; la critique de la société russe (intéressante mais sans doute parfois un peu trop appuyée, notamment avec la référence à l’ « apocalypse » maya de 2012) se retrouvent aisément dans la mise en scène. Tout sonne juste mais la symbolique est beaucoup trop évidente, manque parfois de subtilité et fait inexorablement tirer le film en longueur.
Il n’en reste pas moins que Faute d’amour est une œuvre forte, belle et triste à la fois, et particulièrement intéressante à voir pour quiconque s’intéresse à ce type de cinéma extrêmement porté sur la forme.