Aaron Sorkin est assis à la table. À la rivière sort une Dame. Il a deux paires. Un jeu honnête, mais pas forcément de quoi fanfaronner. Pourtant, Aaron fait tapis. Les autres joueurs se couchent, car Aaron doit probablement avoir une superbe main, et ce dernier empoche la mise. Voici une allégorie de la promotion du Grand Jeu. Cela fait un peu plus d’un mois qu’on nous martèle de bandes annonces assez putassières, faite de moitié de déclarations presses dont une, est constamment mise en avant : ce film serait Le Loup de Wall Street au féminin. En dehors d’une vaine tentative de singer le talent de Scorsese dans la mise en scène, je cherche encore le lien de parenté. Mais peu importe, Le Grand Jeu marchera sans doute honnêtement au box office, car le bluff était parfaitement maîtrisé.
Disons-le tout de suite, Le Grand Jeu est un honnête film. L’histoire qu’il raconte est très intéressante, les acteurs sont bons (Jessica Chastain évidemment, mais aussi ce bon vieux Idris Elba dans son rôle hebdomadaire de bon samaritain), certains moments (liés au sport ou aux règles du poker) sont mis en avant de façon pertinente… Mais la frustration fut quand même la sensation dominante au sortir de la salle. La raison en est simple : ce film n’évite quasiment aucun écueil du biopic. C’est en particulier ce découpage ultra codifié, tellement utilisé qu’il ne peut plus être vu comme une audace du réalisateur, qui dérange. Pourquoi, quand on a une histoire intéressante, vouloir absolument raconter cette histoire dans le désordre, si ce n’est pour donner un rythme artificiel au métrage ? Tout s’enchaine à grande vitesse, le film ne laisse pas le temps de respirer et pourtant, rien ne semble justifier ce montage épileptique. Et quand on creuse un peu, on se rend compte que le film est constamment dans le bluff, comme la bande annonce. Il a une main correcte mais choisit d’en faire des caisses pour que chacun se couche au lieu de chercher à réellement voir quelles sont ses cartes.
Le coup est réussi, le film est bon, mais la prochaine fois que je m’assiérai à la même table que ce bon vieux Aaron, je réfléchirai un peu plus avant de lui envoyer mes jetons.