Avec Alice dans les villes, Wim Wenders s’était déjà posé comme le cinéaste de l’errance et du road movie, expérience qu’il retentera encore dans le film suivant, Au fil du temps, pour une trilogie qui pose les bases d’une esthétique singulière et surtout discursive.
Au cœur de cette trilogie, Faux mouvement est de loin le plus faible, et porte bien son titre : il s’agit d’un parcours qui semble faire du sur-place et diffuse un spleen vaguement philosophique sur une succession de rencontres vouées à ne pas durer.
L’ennui, dans les deux sens du terme (le temps long et l’embarras) provient de la posture qui croit légitimer toute cette virée : la distance du protagoniste avec le monde qu’il traverse renvoie à celle du cinéaste qui se cache derrière des discours et des dissertations qui pensent reconstruire un monde décati et neurasthénique. Le personnage ressent ainsi le besoin d’écrire sans avoir de mots à écrire, éloge du vide et de sa substantifique moelle, qui le font rencontrer le vertige ontologique du manque au contact d’un réel qui défile, inepte, et sans destination aucune. On a connu programme philosophique plus émoustillant. On essaiera certes, de temps à autres, de greffer les dissertations à des problématiques plus concrètes, comme celle du passé nazi de l’Allemagne par exemple, mais sans grande conviction, comme si la peur de retrouver les rails d’un récit conventionnel tétanisait le réalisateur.
Cette déambulation verbeuse pourrait donc s’appréhender comme un traité, très théorique, qui propose une parenthèse dans la vie d’un homme, la constitution d’une éphémère communauté vouée à la séparation. Autant de thème qui irrigueront le cinéma futur de Wenders, pour le meilleur et pour le pire. A ce stade de sa carrière, la pose l’emporte sur la substance, le discours sur l’émotion, la sécheresse sur le lyrisme. Mais patience, les grandes œuvres sont sur le point d’éclore.