Felicità est à l'image de sa scène d'ouverture : mordant, incisif et drôle. Bien que la chute de ce premier canular, en famille à la table d'un fast-food, nous soit gâchée par la bande-annonce, c'est en même temps cette même vanne dite d'un ton impassible par Tim, aka Pio Marmaï, qui m'a personnellement motivé à me rendre au cinéma.
Décidément, Pio Marmaï, après - entre autres - les excellents Ce qui nous lie de Klapish ou En Liberté de Salvadori, continue toujours à nous étonner et à montrer qu'il devient un acteur français incontournable pour les prochaines années. En tout cas, avec ces trois films, il entre dans le cercle de mes acteurs préférés !
Le casting est complété par la jeune Rita Merle (fille du réalisateur Bruno Merle ?), flamboyante et fougueuse petite aux airs de garçon manqué (une confusion voulue et entretenue par le prénom de son personnage, Tommy), qui rêve de faire sa rentrée dans un collège, et d'intégrer un groupe d'amies.
Enfin, le trio est complété par la mère, Chloé, interprétée par Camille Rutherford, dont c'est l'un des premiers rôles principaux et que l'on a pu apercevoir dans Holy Motors ou La vie d'adèle notamment. L'alchimie dérangeante et dérangée fonctionne à merveille avec Tim, le couple surfant sur une délicieuse longueur d'onde bord cadre.
Il faut dire que leur background, que l'on découvre au compte goutte tout au long du film, n'a rien d'une success story : Tim a fait de la prison et est en cavale, tandis que la famille vit au jour le jour, de squat de maison en petits boulots, de petits vols à une vie en constants aguets de bruits de sirène de police.
C'est sans doute cette situation précaire, toujours à la limite de l'illégalité, qui a démultiplié pour notre plus grand plaisir leur sens de l'humour. Celui-ci ne faiblira jamais, de la première scène à l'épilogue, jubilatoire.
C'est à ce stade de la critique que je dois avouer un petit faible pour le gag
de Chloé sur son rocher : sachant à peine nager, la voilà lancée dans une opération de sauvetage de nounours en peluche, et bientôt coincée sur son caillou à mesure que la mer monte.
Cette finesse du comique se trouve par ailleurs soulignée par une mise en scène impeccable et très imagée (un cosmonaute aux traits d'Orelsan traverse tout le film sans qu'il ait de rapport direct avec la choucroute), ainsi que par des choix de narration étonnants : à plusieurs reprise, le récit s'arrête pour explorer les différentes possibilités d'un choix crucial.
Avec Felicità, le spectateur est donc invité, non sans plaisir, à entrer dans l'univers singulier du réalisateur Bruno Merle, et prend au passage un grand bol d'air : on ressort de séance un grand sourire aux lèvres, et c'est tout juste ce qu'il nous faut en cette période un peu morne !
Si tous les films français pouvaient être comme ça...
"Le monde ne te fera pas de cadeau, crois-moi. Si tu veux avoir une vie, vole-la" (Lou Andreas-Salomé)