Il y a deux films dans Félicité. Le premier est réussi qui nous plonge dans l’ambiance colorée et violente de Kinshasa et sa bande-son frénétique où les rythmes tribaux modernisés explosent dans un magma sonique dangereusement électrisant. Filmée à bout de bras par une caméra agile et perspicace, la course contre la montre de Félicité est révélatrice de la chaotique misère ambiante dans une société où les valeurs traditionnelles de solidarité disparaissent. On pense à Cassavetes ou aux Dardenne dans cette manière d’appréhender le réel et de coller à des personnages débordant d’humanité. Malheureusement, passée cette première heure poignante commence un deuxième film aux prétentions auteuristes plus assommantes qu’éloquentes: plans interminables sur les personnages muets, séquences nocturnes de rêves (éveillés?) lourdement symboliques dans une forêt censée révéler la part spirituelle de l’héroïne, le tout inondé par la musique religieuse contemporaine du compositeur estonien Arvo Pärt que l’on voit interprétée par un orchestre et un choeur de Kinshasa. Sincères ou opportunistes ces élans mystiques dans l’air du temps ont de quoi alimenter l’inspiration des critiques qui ont plébiscité ce (trop) long métrage, tandis que le spectateur lambda a fort à faire pour se retenir de bâiller...