Un jour, Félix croise Meira dans un snack, par hasard. Un autre jour, c’est Meira qui croise Félix dans la rue, par hasard. Ils ne tombent pas vraiment amoureux, en fait ils se tombent dessus, ils tombent sous le charme, doucement, intrigués d’abord et chacun par l’autre, par son histoire, sa pudeur, sa gêne, ses maladresses. Elle est issue d’une communauté juive hassidique, jeune épouse et jeune maman qui s’ennuie beaucoup. Il est célibataire et quadra athée, sans attaches, un peu dans la lune, et vient de perdre son père, longtemps détesté, lui le fils rebelle qui n’en fait qu’à sa tête. Chronique sensible d’une rencontre ordinaire, improbable et contrariée, Félix et Meira suit, en douceur, deux trajectoires (dés)unies jusqu’a un point de fuite, incertain et nouveau.


Meira (Hadas Yaron, magnifique) étouffe sous le poids de la religion, de ses coutumes chaque jour, et même dès le lever du lit. Elle aime le bruit des pièges à souris qu’elle met dans l’appartement, et sans doute y voit-elle là un écho à sa condition de femme soumise. Elle cache des disques sous le canapé qu’elle aime écouter quand son mari n’est pas là, joue à faire la morte quand la situation lui échappe, mais elle est déjà morte dans cette vie, affirme-t-elle. Elle rêve de gondoles, éprise de liberté quand elle enlève sa perruque, essaie un jean ou danse dans un bar de nuit. Félix est là, debout dans la grisaille du deuil, qui va l’aider à s’émanciper, et chacun tentera, poussé par la force de l’autre, de s’affranchir du joug de son quotidien (diktats religieux pour elle, démons familiaux pour lui) pour se redécouvrir enfin, à zéro.


Maxime Giroux ne condamne jamais ce qu’il observe (rites sclérosants, autorité religieuse, adultère…). Il y a du respect dans son regard. Il n’y a ni juges ni coupables. Le mari de Meira, par exemple, n’a pas le mauvais rôle : il est au contraire prévenant pour sa famille, amoureux à sa façon, sans le dire ni le montrer, et même prêt à se "sacrifier" pour le bonheur de sa femme. Simplement, Meira n’appartient pas (plus) à ce monde, rigide et régi. Quand, pour la première fois, elle ose enfin regarder Félix dans les yeux (la règle lui interdit de regarder d’autres hommes), on sent un bouillonnement en elle, et l’envie d’autre chose, d’inconnu, de cet homme peut-être. Nuancé et mélancolique (la fin laisse une vague impression de malaise), imparfait et malhabile parfois, Félix et Meira joue la petite musique des sentiments contre l’obéissance qui résonne, jamais finie, de Times Square jusqu’à Venise.


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mymp
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le 2 juin 2015

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