Femme de Tokyo appartient à la période du muet d’Ozu. Le réalisateur nippon est passé au parlant, avec réticence, seulement en 1936. Mais cela est propre au Japon de façon générale. Le cinéma muet était accompagné par des troupes d’acteurs qui interprétaient le film avec des textes et lectures. Il y a eu opposition au parlant car cela allait entraîner le chômage pour des milliers de personnes. A cela s’ajoute que la qualité du parlant était moyenne au début, ce qui n’encourageait pas à faire le pas.
On trouve dans ce film tout ce qui caractérise le cinéma d’Ozu : plans fixes à hauteur de tatami ; attention portée aux personnages et à l’expression contenue de leurs émotions, plus qu’au scénario ; présence de personnages féminins consistants.
Cette période est celle où Ozu s’intéresse à traiter des questions sociales dans ses films. Ici, la précarité qui pousse une jeune femme, Chikako, à se prostituer en secret afin que son frère, Ryoichi, puisse faire des études. Ozu s’intéresse aussi ici au poids des jugements bien pensants et des commérages. Thème que l’on retrouve développé et approfondi 25 ans plus tard dans Crépuscule à Tokyo.
L’histoire se centre sur Ryoichi et sa découverte du secret de sa sœur. Un personnage incapable de discerner le poids d’amour qui a poussé Chikako à se sacrifier pour lui et qui sombre dans la violence et le désespoir. Le jugement moral et la peur du regard des autres l’aveugle. Puis Ryoichi est présent par son absence jusqu’au dénouement de l’intrigue.
Dans un format court (45 mn) et à partir d’une histoire minimaliste mais intense, Ozu brosse avec sensibilité le portrait de personnages pris dans un étau. Ce n’est pas l’un de ses plus grands films mais Femme de Tokyo est représentatif de l’ensemble de son œuvre.