Le film le plus démentiel de De Palma (avec "l'Esprit de Cain", quand même) gagne clairement à être revu, et plusieurs fois : lorsqu'on connaît la diabolique construction de la narration, on prend un plaisir plus grand encore à identifier dans chaque scène les éléments que De Palma avait laissé pour nous orienter, et également bien sûr à se délecter de son travail constamment inspiré sur l'image et la mise en scène, livrant un commentaire continu sur l'histoire elle-même. Oui, "Femme Fatale" est bien une expérience à part, même pour les grands fans de De Palma que nous sommes : un mélange ahurissant de virtuosité gratuite mais époustouflante, même par rapport aux standards habituels de notre homme, d'ambition thématique (la poursuite un cran plus loin des grandes théories sur le regard - ici, la lumière -, l'image, la schizophrénie - portée au cœur du récit) et de ridicule assumé (comme dans "Dressed to Kill", comme dans "Body Double", la représentation fantasmée et honteuse de la sexualité féminine, qui est l'une des grandes "blessures" de De Palma, mais le rend aussi tellement synchrone avec son époque). Oui, "Femme Fatale" est une sorte d'objet conceptuel ultime, qui voit De Palma ne se préoccuper que de la logique - imparable - de son propre cinéma, et soumettant notre croyance de spectateur à rude épreuve... Finalement, De Palma ne pouvait tourner ce chef d’œuvre malade (très malade, oui, je l'avoue) qu'en France, loin de la logique hollywoodienne ! [Critique écrite en 2014]